Pollini souffle le chaud et le froid dans Chopin

par

Frédéric Chopin (1810-1849) : Deux Nocturnes, Op. 55; Trois Mazurkas, Op. 56; Berceuse, Op. 57; Troisième Sonate, op. 58. 2019- DDD- 53’ 32- Textes de présentation en anglais, allemand, français et italien -Deutsche Grammophon-483 6475

Dans sa traversée des oeuvres de Chopin regroupées à présent chronologiquement plutôt que par genres, Maurizio Pollini nous offre ici des oeuvres écrites entre 1842 et 1844. Certes, on connaît la rigueur du grand pianiste italien et son refus de la séduction facile, mais la façon dont il réussit à transformer le tendre et charmant Nocturne Op. 55 N°1 en fa mineur en une triste et douloureuse confession est proprement inouïe. Renonçant à tous les sortilèges de la couleur en faveur d’une interprétation volontairement décharnée, Pollini travaille ici à la pointe sèche et donne à entendre un Chopin émacié, ascétique, désabusé, laissant l’auditeur de bonne volonté interloqué, prêt à souffrir avec l’interprète mais guère convaincu.

Heureusement, le pianiste reprend du poil de la bête dans le deuxième de ces Nocturnes, dont il offre une interprétation ferme, virile et de très belle tenue.

On pourrait se demander si Pollini est le pianiste le plus indiqué pour des Mazurkas qui demandent avant tout de la fantaisie et de l’imagination, mais il se révèle ici assez intéressant. Sa vision de la première des trois de cet Opus 56 n’est peut-être pas parmi les plus bondissantes qui soient, mais l’interprète convainc par sa belle franchise. Dans la deuxième, Pollini affiche un côté un peu débraillé -mais juste- qui surprend agréablement, même si on regrettera un recours excessif à la pédale. Et dans la troisième il fait preuve d’un élan inattendu, même si son approche demeure fondamentalement sérieuse, avec une main gauche parfois assez lourde.

Quant à la Berceuse, elle tout simplement exquise, déclamée en se laissant tout le temps qu’il faut, sans hâte indue ni alanguissements malvenus. Même si on souhaiterait par moments un peu plus de tendresse, on ne peut que s’incliner devant une interprétation d’une si haute tenue. C’est vraiment très beau.

Dans la Troisième Sonate, le doute n’est pas permis: un grand interprète est ici à l’oeuvre. Le son est à présent plein et dense, la technique sûre, la construction irréprochable. On admire sans réserves la virtuosité aisée et vive dont Pollini fait preuve dans le Scherzo, alors que le Largo permet au pianiste de faire admirer de véritables dons de conteur, portés par un réel souffle et une sonorité à présent lumineuse. C’est par un Finale splendidement enlevé que Pollini conclut magistralement l’oeuvre. On est ici à des années-lumière du souffreteux Nocturne Op. 55 N°1 qui ouvre cette parution et qu’il eût sans doute mieux valu réenregistrer.

Son: 8 - Livret: 9 - Répertoire: 10 - Interprétation: Nocturne Op. 55 N° 1 inclassable, Nocturne Op. 55 N° 2, Mazurkas: 8; Berceuse et Sonate: 9

 

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