Praetorius et l’influence italienne : loin de la coupe aux lèvres ?

par

Praetorius & Italy. Michael Praetorius (1572-1621) : Meine Seele erhebt den Herren ; Siehe, wie fein und lieblich ; Christ, der du bist der helle Tag ; Christe, der du bist tag und Licht. Adriano Banchieri (1568-1634) : Sonata sopra l’aria Musicale del Gran Duca. Antonio Cifra (1584-1629) : Magnificat à 8 à versi spezzati. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Lauda Jerusalem. Ludovico Viadana (1560-1627) : Sinfonia La Bergamasca ; Laudate Dominum ; Doleo super te. Agostino Agazzari (c1580-1642) : Et replete sunt omnes. Giovanni Gabrieli (c1554-1612) : Sonata pian’ e forte. Florian Helgath, Rias Kammerchor. Katharina Bäuml, Capella de le Torre. Livret en anglais, allemand ; paroles des chants en langue originale et traduction en anglais, allemand. Novembre 2020. TT 76’17. Deutsche Harmonia Mundi 19439848032

Dominée par des anthologies du Terpsichore Musarum et des compilations autour du répertoire de la Nativité, tel l’arbre qui cache la forêt, la discographie de Praetorius reflète très partiellement l’importance de sa production vocale, tant en abondance (une vingtaine de volumes) qu’en qualité.

En cette année où l’on commémore le 400e anniversaire de la disparition du compositeur, ce nouveau CD annonce un projet bienvenu et pertinent : mettre en regard quelques cantates et hymnes de Praetorius (elles représentent plus de la moitié du disque) avec des contemporains italiens cités en exemple dans le Syntagma Musicum. Ceux-ci sont représentés par des pages vocales (Magnificat de Cifra, les étonnants chromatismes du psaume Lauda Jerusalem de Monteverdi…) et instrumentales empruntées à des airs à la mode (Gran Duca pour Banchieri, La Bergamasca pour Viadana) ou illustrant les ors vénitiens de Gabrieli. Une entreprise tout à fait sérieuse, et réalisée comme telle.

En 2009, Katharina Bäuml et sa Capella de la Torre avaient déjà enregistré un intéressant SACD (Der Wächter auf der Zinne) chez le label Coviello. Hélas, on ne sait quelle mauvaise marraine s’est invitée dans le « Praetorius & Italy » : le genre de fée qui d’un sortilège plonge l’assistance dans un état de somnolence. L’éloquence en berne n’est en rien secourue par une captation ample mais plate et creuse. Le savoir-faire des deux éminents ensembles n’est pas en cause, on ne voit pas que leur reprocher techniquement. Effectifs et accompagnement adéquats, continuo subtil. Le soutien (cornet, sacqueboutes, chalemie…) tresse de délicats entrelacs. La justesse, la précision du Rias Kammerchor est hors de critique. Mais quel manque de relief et d’enthousiasme ! Ou du moins l’auditeur peine à les partager. Dommage que tant de finesse ne s’ose charismatique, que l’articulation au cordeau, malgré quelques admirables scansions dans le Meine Seele erhebt den Herren, ne soit portée par un véritable élan. Faute d’envie et d’envol, reste-t-il mieux qu’un canevas tiède et aseptisé ?

Au regard d’une telle prometteuse affiche, la déception se mesure (et se relativisera peut-être) à l’aune de nos hauts espoirs. On sort de cet album avec le vin triste, et les vers de Musset alimentent nos doutes : « Pour aller jusqu'aux cieux il vous fallait des ailes, Vous aviez le désir, la foi vous a manqué ».

Son : 6 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 7

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.