Revalorisation de l’œuvre chambriste avec piano de Wilms
Johann Wilhelm Wilms (1772-1847) : Quatuors avec piano en ut majeur Op. 22, en fa majeur Op. 30. Trio avec piano en ut majeur Op. 4. G.A.P. Ensemble. Emilio Percan, violon. Oriol Aymat Fusté, violoncelle. Luca Quintavalle, pianoforte. Christian Euler, alto. Octobre 2021. Livret en anglais (traductions en italien, allemand, français disponibles sur le site de l’éditeur). TT 79’53. Brilliant 96788
Né deux ans après Beethoven et disparu la même année que Mendelssohn, Wilms fut à l’heure de l’éclosion romantique peut-être le plus grand musicien néerlandais. Iconique, comme voudrait nous le rappeler l’enfilade de moulins reproduite en couverture ? Malgré sa notoriété à l’époque, en tant que compositeur et interprète, malgré la qualité de son écriture, on ne peut pas dire que la discographie se soit affolée autour de son œuvre. Un certain dégel sembla pourtant advenir à l’occasion de son 250e anniversaire, dont une intégrale des concertos pour piano par Ronald Brautigam chez le label BIS. Capté quelques semaines plus tard, à la Maison de la Radio de Cologne, le présent CD nous offre les deux quatuors avec clavier, enregistrés quelques mois auparavant (février 2018) par le Valentin Klavierquartett pour CPO. Les cordes y dialoguaient avec le piano d’Isabel Lhotzky, alors que Luca Quintavalle a opté pour un pianoforte de Conrad Graf, contemporain de ces opus. Particulièrement généreux, l’album Brilliant adjoint le Trio en ut majeur, déjà exhumé autour de Cosmin Boeru dans un SACD de septembre 2000 (Ars Produktion).
Après deux incursions dans le clavecin d'aujourd'hui, le virtuose italien revient à un répertoire de frange plus classique, une vocation qui nous avait valu un cycle de référence pour les sonates d’Anton Eberl. On ne manquera pas de lire sa notice qui, outre quelques rappels biographiques, fournit une analyse technique et esthétique des trois œuvres, et indique quelques repères d’exécution, notamment l’usage expressif de la pédale. Malgré leur armure principalement majeure, les mouvements explorent une large palette tonale et harmonique (Allegro de l’opus 30) riche de décors, d’émotions voire de drame, où s’invitent quelques épices de folklore, polonais ou hongrois. Ces partitions au zèle parfois concertant, où le clavier tient une place prépondérante, trouvent en Luca Quintavalle un partenaire inspiré et inspirant, au jeu fluide, superbement timbré, et d’une agilité sans borne. Les archets y puisent un essor nuancé, dessiné avec ce qu’il faut d’énergie rythmique et de souplesse de respiration.
Wilms se plaignait des concessions appelées par son public de l’époque (« Si Haydn, Mozart ou d'autres avaient vécu là, ils ne seraient pas devenus qui ils sont » soupirait-il), relativisant a posteriori la critique envers son langage enclin à flatter l’oreille. Au moins, on ne s’y ennuie pas, surtout quand le discours s’épanche dans une prestation aussi fine qu’éloquente. Cette réalisation que l’ensemble GAP a d’évidence soignée ne peut qu’éveiller l’intérêt sur un catalogue chambriste qui, de l’héritage mozartien, nous amène au seuil des expériences schubertiennes et schumaniennes, certes autrement complexes que les soupçons de naïveté qui entourent la réputation de l’auteur. On remercie en tout cas ce disque de concourir à cette saine réévaluation.
Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 7,5 – Interprétation : 10
Christophe Steyne