Les cinq concertos pour piano de Wilms, sous des soins experts et complices
Johann Wilhelm Wilms (1772-1847) : Concertos en mi majeur Op. 3, en ut majeur Op. 12, en ré majeur Op. 26 / Concertos en fa majeur Op. 32, en mi bémol majeur Op. 55. Ronald Brautigam, pianoforte. Michael Alexander Willens, Kölner Akademie. Avril à août 2021. Livret en anglais, allemand, français. TT 82’30 / 59’44. BIS 2504 / BIS 2524
Né deux ans après Beethoven et disparu la même année que Mendelssohn, le jeune Johann Wilhelm Wilms quitta son terroir natal près de Cologne, pour rejoindre Amsterdam en 1791. Une ville où son talent d’instrumentiste (flûte, piano, orgue) fut apprécié des salons et des fidèles, mais où son art de compositeur se heurta à un public bourgeois que la notice du disque nous présente frivole, friand de musique superficielle. Et pourtant ses symphonies furent applaudies au Gewandhaus de Leipzig, preuve que sa notoriété dépassa les frontières. On jugera de leur qualité en réécoutant le superbe enregistrement de Concerto Köln chez Archiv (2003). On peut penser que dans un environnement autrement stimulant et exigeant, Wilms aurait légué une œuvre plus abondante et ambitieuse. « Si Haydn, Mozart ou d'autres avaient vécu là, ils ne seraient pas devenus qui ils sont » soupirait-il, ce qui ne l’empêcha pas d’assurer aux Pays-Bas les premières exécutions de concertos pour piano de Beethoven. Wilms en écrivit aussi, au nombre de sept dont cinq sont parvenus jusqu’à nous. Les voici, en deux volumes.
Son tout premier dans le genre, catalogué sous opus 3, et destiné au clavecin ou au pianoforte, avait déjà été gravé par Arthur Schoonderwoerd et l’ensemble Cristofori (Alpha, 2002). En toute complaisance, le concerto en ré majeur concède la loquacité facile et l’épidermique brio que convoitaient ses concitoyens. D’une nomenclature plus étendue, enrôlant bassons, trompettes et timbales, les concertos en ut majeur et en fa majeur témoignent d’un zèle impérieux, peut-être rémanent de la Révolution de 1789, dans un royaume de Hollande qui était encore pour quelques années sous domination française -l’ombre de Napoléon s’était éloignée quand l’opus 32 parut vers 1814 chez Breitkopf & Härtel. On peut même observer des similitudes entre le concerto en mi bémol majeur (publié c1820 à Leipzig) et « L’Empereur » de Beethoven (créé en janvier 1811), de même tonalité principale et dont l'Allegro maestoso débutait aussi par une séquence d’accords entrecoupée de formules cadentielles.
Pour en avoir assuré sa propre édition, Ronald Brautigam connaît toutes ces partitions sur le bout des doigts. Lesquels courent avec une précision, une fluidité, un relief expressif qui désignent cette interprétation comme exemplaire. Sur un McNulty inspiré d’un pianoforte Walter contemporain de ces concertos, le virtuose néerlandais rend un éloquent hommage et un fier service à son lointain compatriote d’adoption, dont la production pour clavier peut s’enorgueillir d’un tel avocat. La collaboration avec l’orchestre de Cologne n’en est pas à son coup d’essai, puisque pour le même label BIS elle a déjà engendré l’intégrale des concertos de Mozart et Beethoven, mais aussi ceux de Mendelssohn et de Weber, un Joker Absolu.
Tous ces albums furent dûment et unanimement salués dans nos colonnes, sous la plume de Jean Lacroix, Ayrton Desimpelaere ou Pierre Carrive. L’ensemble rhénan nous ravit encore ici par ses timbres d’époque, son maintien, auxquels le chef instille l’autorité, la sensibilité et l’élan nécessaires. « Dès le premier jour où j'ai rencontré Michael Alexander Willens, cela a immédiatement matché entre nous », confiait Ronald Brautigam lors d'un entretien accordé en janvier 2021 à notre magazine. L’écoute de ces deux nouveaux SACD atteste cette connivence, même si le clavier volubile et exalté semble parfois plus intensément animé que son accompagnement.
Son : 9,5 – Livret : 9 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9,5
Écoute réalisée en format SACD.
Christophe Steyne