Révélation des chants d’amour contrarié de Bassani

par

Affetti Canori. Giovanni Battista Bassani (c1650-1716) : Cantate e ariette per soprano e basso continuo Op. 6. Anna Piroli, soprano. Luigi Accardo, clavecin, orgue positif. Nicola Brovelli, violoncelle. Elisa La Marca, théorbe, guitare baroque. Juillet 2020. Livret en italien et anglais (paroles en italien, traduction en anglais). TT 56’01. Dynamic CDS7918

Violoniste virtuose, à l’instar d’Arcangelo Corelli son exact contemporain qui brillait à Rome, Bassani se distingua aussi comme organiste et comme maître de chapelle dans la sphère de l’Italie du Nord. On le trouve à la Basilique Santa Maria Maggiore de Bergame, à l’Academia della Morte de Ferrare. Parallèlement à la musique sacrée, il écrivit aussi des cantates qualifiées d’amorose, explicitement ou implicitement comme c’est le cas de l’opus 6, publié à Bologne en 1684, et qui nous est ici proposé en tout premier enregistrement. Des amours trahies, frappées d’éloignement, rejetées, qui se languissent pour un baiser, bref malheureuses et dolentes, chargées de chromatisme. Elles s’incarnent dans la voix de soprano, en guise de narrateur de l’infortune.

Six cantates et autant d’ariettes. Les premières se tissent de récitatifs et d’arias souvent encloses sous forme da capo, dans une découpe tantôt syllabique tantôt ornée sur la note. Les ariettes relèvent d’une structure plus simple, d’une humeur moins travaillée, même si l’expression s’avère parfois fort ouvragée, comme dans la plus longue, Occhi amorevoli, qui ouvre le disque. Bassani n’a pas hésité à rédiger lui-même les paroles de Sì Sì begl’occhi, quand d’autres textes sont empruntés au librettiste Giovanni Battista Neri, mort en 1726.

Anna Piroli sert ce rare corpus avec ardeur et intensité, moins feu follet que flamme bleue qui utilise parcimonieusement son oxygène et ne s’agite pas vainement. Cette combustion un brin contrite respecte le sujet et l’esthétique lancinante de cette musique qui creuse l’affect comme une tombe. La chanteuse est épaulée par une équipe attentionnée : Luigi Accardo aux claviers, Nicola Brovelli au violoncelle (en septembre 2020, nous avions déjà salué la prestation de ces messieurs dans un album de sonates de Michele Mascitti) et Elisa La Marca aux cordes pincées. La dizaine d’opéras de Bassani sont tombés dans les oubliettes de l’histoire mais cet intéressant disque, interprété avec soin et intelligence, complète utilement le répertoire profane que l’on associe à ce compositeur qui siégea à l’éminente Accademia Filarmonica de Bologne.

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire & Interprétation : 8,5

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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