Richard Strauss en intégrale berlinoise
Richard Strauss (1864-1949) : Sonatine n°1 en fa majeur pour 16 instruments à vents “Aus der Werkstatt eines Invaliden”, TrV 288 ; Sérénade en mi bémol majeur pour 13 vents, Op.7 ; Till Eulenspiegels Lustige Streiche (Arrangement pour vents et percussions de Matthias Pfaum) ; Suite en mi bémol majeur pour 13 vents, Op.4.TrV 132 ; Sonatine n°2 en Mi bémol majeur pour 16 vents TrV 291. Membres de la Staatskapelle Berlin, Gregor Witt. 2020 et 2021. Livret en anglais et allemand. 121’. 2 CD Capriccio. C 5497.
Il est toujours plaisant de voir une institution rendre hommage à son héritage historique. Ainsi, les membres de la Staatskapelle Berlin proposent-ils une nouvelle et définitive intégrale de la musique pour instruments à vents de Richard Strauss. Si dans notre imaginaire, nous associons Richard Strauss à Dresde, Munich et Vienne, Berlin fut l’un des centres de sa carrière. Il dirigea de nombreuses représentations d’opéra et des concerts et il porte même le titre de Kapellmeister de la Hofoper Unter den Linden, l’Opéra de la Cour de la capitale allemande à partir de 1898 en succédant au célèbre Felix Weingartner. De 1908 à 1919, il est directeur général de la musique tout en enseignant à la Hoschule à partir de 1917.
Dans l'œuvre de Richard Strauss, la musique pour instruments à vents occupe une place de prime abord mineure. Il faut dire que les chefs d'œuvres lyriques et symphoniques sont intimidants et font une ombre à la vaste superficie. Pourtant fils de virtuose du cor, le compositeur avait un sens naturel pour écrire pour les vents : les nombreux soli des opéras et des poèmes symphoniques et les concertos pour cor, hautbois et le concertino pour clarinette et basson en témoignent. Si la Sérénade en mi bémol pour 13 vents est un classique du répertoire, avec sa fraîcheur digne d’une Gran Partita de Mozart, les autres oeuvres sont plutôt des raretés à commencer par la Suite en mi bémol majeur pour 13 vents, une autre partition de jeunesse. La Sonatine n°1 en fa majeur pour 16 instruments à vents “Aus der Werkstatt eines Invaliden” et la Sonatine n°2 en Mi bémol majeur pour 16 vents sont des oeuvres plutôt tardives envisagées alors comme des workshops ou des exercices d’écriture “Handgelenks Übungen” pour le compositeur. On aime la beauté des textures rondes et velourées et la simplicité des thèmes. Cette intégrale est complétée par un arrangement pour vents et percussions du célèbre Till l’espiègle par Matthias Pflaum, l’un des maîtres de l’arrangement d'œuvres de Strauss pour ensembles.
Les pupitres de la Staatskapelle Berlin sont évidemment fabuleux et dans les noms des instrumentistes, on relève ceux de quelques pointures : la hautboïste Cristina Gómez Godoy, le flûtiste Thomas Beyer ou le corniste Ignacio García. L’oreille se régale d’un festival de sonorités et un bonheur d’échange musical avec des instrumentistes qui dialoguent et se répondent comme à l’opéra. Homogénéité d’ensemble et qualités individuelles sont les pierres angulaires de cette somme qui bénéficie également d’une fabuleuse prise de son au plus près des musiciens.
Son : 10 Notices : 10 Répertoire : 10 Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot