Rossini à domicile

par

Chantal CAZAUX : Gioachino Rossini mode d’emploi. Paris, Editions Première Loges, ISBN 9 782843 854972, 2020, 239 p., 28 euros.

Vous êtes un spécialiste patenté de Rossini, un fidèle admirateur de sa musique, un mélomane occasionnel ou un débutant dans le domaine classique à la recherche d’un guide pour ne pas perdre de temps dans les arcanes d’une vaste production ? Quel que soit votre état de connaissances de la production du créateur du Barbier de Séville, ce livre est fait pour vous. Il ne répondra peut-être pas à toutes les questions que vous vous posez mais, par le biais d’une écriture soignée et d’un travail érudit et consciencieux, il vous donnera d’une manière synthétique et panoramique les clefs pour entrer dans l’univers rossinien, ou pour l’approfondir.

C’est le dernier venu d’une collection « mode d’emploi » qui a déjà mis en évidence, sous diverses plumes, Wagner, Mozart, Offenbach, Richard Strauss ou Janacek. L’auteur de ce Rossini, Chantal Cazaux, est Docteur en musicologie et a enseigné le chant pendant dix ans à l’Université de Lille. Aujourd’hui rédactrice en chef de la revue L’Avant-Scène Opéra, elle a déjà signé, toujours sous la formule « mode d’emploi », un Verdi et un Puccini récompensé en 2017 par le prix de la Critique du meilleur livre sur la musique, catégorie monographie. 

Le schéma des autres volumes de la collection est à nouveau utilisé : après une biographie parfaitement concentrée et évocatrice, qui situe notamment Rossini dans l’histoire de la musique et l’homme dans son temps, dix-huit opéras sur la quarantaine écrits et créés entre 1810 et 1829 font l’objet d’une présentation de quelques pages. Selon le même découpage : genèse et création, résumé de l’action, guide d’écoute, personnages et enjeux, ce dernier point étant destiné à mettre l’accent sur l’une ou l’autre spécificité de chaque partition. L’exercice est périlleux, car il s’agit, en un espace forcément limité, de synthétiser l’essentiel. Art que manie visiblement Chantal Cazaux avec maîtrise. L’auteure n’oublie pas non plus, afin que le portrait soit vraiment représentatif et complet, de signaler que Rossini n’est pas qu’un compositeur d’opéras, mais qu’il a aussi écrit de la musique religieuse ou profane, et de la musique de chambre. De petits encadrés descriptifs placés dans les pages biographiques viennent le rappeler. On est bien entendu un peu frustré de ne pas retrouver certains titres que l’on aime et qui, s’ils sont évoqués dans le parcours global, ne font pas partie des dix-huit choix prioritaires et détaillés. On pense par exemple à La Scala di seta ou à Il signor Bruschino, mais le volume aurait sensiblement gonflé et serait sorti des normes habituelles de la collection. 

Après cette série de présentations, trois chapitres sont consacrés successivement à la façon de chanter Rossini, de le diriger et de le mettre en scène. Pour chacun d’eux, une série de portraits de cantatrices et de chanteurs sont brièvement esquissés, de la muse et épouse Isabella Colbran et Manuel Garcia aux plus récents. Les chefs d’orchestre leur succèdent, de Serafin à Mariotti en passant par Zedda, Abbado, Muti ou Chailly. Le tour des metteurs en scène vient ensuite, avec des exemples concrets de moments qui ont marqué l’histoire du monde lyrique rossinien, depuis le Mai musical florentin de 1952 jusqu’à l’Opéra-Comique en 2017, en passant par la Scala, Pesaro, Aix-en-Provence, le Metropolitan ou le Covent Garden. Ponnelle, Sequi, Ronconi, Pizzi et quelques autres y sont évoqués.

De judicieux « repères pratiques » sont ensuite proposés : nombreuses références discographiques et vidéographiques, par ordre alphabétique d’œuvres, suivies d’une bibliographie et d’une sitographie, le tout commenté. Une chronologie des quarante opéras de Rossini en une page, belle démonstration de sa prolixité, résume le parcours du maître en un clin d’œil et précède un outil de travail qui sera apprécié de ceux qui pourront en bénéficier : une table d’extraits audio d’opéras qu’il est possible d’écouter par le biais d’une application pour smartphones. En fin de volume, un index des noms et un index des titres permet de retrouver rapidement une information souhaitée. 

Il faut encore s’arrêter sur l’abondance et la richesse de l’iconographie de ce superbe ouvrage sur papier glacé : un festival pour les yeux qui met en lumière gravures d’époque, tableaux, lithographies, estampes, costumes ou photographies de spectacles. De quoi en sortir ébloui ! On n’étonnera personne en disant que ce « mode d’emploi » est digne de figurer dans toute bibliothèque musicale.

Jean Lacroix

 

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