Beethoven à Monte-Carlo
La rentrée est beethovenienne avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo et Kazuki Yamada, son directeur musical et artistique. Une rentrée particulière car elle est marquée par la prolongation de trois saisons de son engagement à ce poste, et la sortie de deux nouveaux titres sous le label OPMC Classics : les Symphonies n°1 et n°3 de Mendelssohn et le Requiem et Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré. Mais c’est Beethoven qui nous retient pour ces concerts d’ouverture de saison.
Le premier concert au Grimaldi Forum propose, avec l'ouverture Léonore n°3, le Triple concerto pour violon, violoncelle et piano et la Symphonie n°3. Dans le Triple concerto, l’équipe musicale se compose de Antje Weithaas au violon, Marie-Elisabeth Hecker au violoncelle et Martin Helmchen au piano. Les musiciens varient les atmosphères et les couleurs et chantent tous les trois en une ample respiration, bien secondés par le chef. Seul au pupitre, Kazuki Yamada qui excelle, fascine et émerveille dans le répertoire français des XIXe et XXe siècles, est moins à son affaire dans les oeuvres classiques. Certes, la Symphonie n°3 "Eroica" de Beethoven est très fidèlement interprétée, mais cela manque de marques personnelles. Nous n'arrivons pas à oublier les interprétations puissantes et dramatiques des symphonies de Beethoven avec le même orchestre et le regretté Yakov Kreizberg.
Le week-end suivant prolonge les festivités autour de Beethoven. Une intégrale des concertos pour piano confiée au légendaire Krystian Zimerman pour le retour de l'OPMC à l'Auditorium Rainier III. Ces concerts sont des évènements car Zimerman ne s'est pas produit à Monaco depuis 1979. Tout le monde connaît son immense méticulosité (il joue avec ses propres pianos) et le nombre limité de concerts qu’il accepte de donner chaque saison (pas plus de 50 !), et ces deux aspects ne sont pas pour rien dans le statut de monstre sacré qui l’entoure. En un seul week-end, il gravit les cinq concertos du Grand sourd, et Kazuki Yamada complète le programme avec les ouvertures de Coriolan et des Créatures de Prométhée, ainsi que la Symphonies n° 7.
Peu de pianistes peuvent relever le défi de l'intégrale des concertos en trois jours consécutifs. C'est une performance physique spectaculaire. Zimerman nous fascine de bout en bout dans cette immersion totale dans l’œuvre de Beethoven, montrant les évolutions stylistiques au fil des œuvres et des années. Zimerman a une sensibilité à fleur de peau. Il fait alterner la fougue et la plus extrême finesse. La surprise peut venir à chaque mesure d'un accent, une idée, un toucher allégé. C'est un régal, d'autant que Kazuki Yamada est un partenaire attentionné. Dans les ouvertures, le chef met en avant la puissance expressive et dramatique de Coriolan et le sens du phrasé et des dynamiques des Créatures de Prométhée. Quant à la Symphonie n°7, construite selon une progression où le rythme joue le premier rôle, davantage que la mélodie, elle est mieux adaptée au style de direction du maestro. L'Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo chante et danse et les équilibres sont parfaits. On note du lyrisme généreux et des attaques nerveuses.
Carlo Schreiber
Monte-Carlo, Grimaldi Forum et Audirorium Rainier III, les 20, 25, 26 et 27 septembre 2020
Crédits photographiques : JC Vinaj
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