Russian Impulse : Fanny Azzuro

par

Sergueï Rachmaninov (1873-1943)
Variations sur un thème de Corelli, Op. 42
Sergueï Prokofiev (1891-1953)
Sonate n°6, Op. 82
Nikolaï Kapustin (°1937)
Variations, Op. 41
Fanny Azzuro, piano
2015-DDD-57’04-Texte de présentation en français et anglais-Paraty 314124

Pour son premier enregistrement solo, Fanny Azzuro aborde trois sommets de la littérature pianistique russe du XXe siècle. Lauréate de nombreux concours (World Piano Competition à Cincinati, Washington International Piano Competition…), elle se produit tant au national qu’à l’international en sillonnant les scènes de France, Belgique, Allemagne, Luxembourg, Belgique… Elle débute avec les Variations sur un thème de Corelli (issu de la Follia, cycle de variations de Corelli sur base d’un thème ancien) de Rachmaninov, écrites en seulement trois semaines par le compositeur russe. Durant son exil, Rachmaninov écrit peu : le Concerto pour piano n°4 et les Trois Chansons russes. Vingt variations se dessinent, sur le modèle d’une architecture en arche, autour d’un intermezzo. Vingt pièces courtes qui alternent de nombreux climats et ambiances : sombre, brillant, nostalgie, mystère, poésie… Quand Rachmaninov reprend avec inspiration l’écriture pour piano (il n’écrira après que du répertoire symphonique), il est en France. Ce sera aussi le cas de Prokofiev qui s’illustre ici avec la première sonate de guerre. En quatre mouvements, la sonate est le reflet d’une époque sombre et néfaste pour l’humanité. C’est la période de la Grande terreur en Union Soviétique et l’approche d’une nouvelle guerre. Contrairement à la Sonate n°5 plus apaisée, la Sonate n°6 renoue avec le motorisme, cher à Prokofiev, dans un discours d’une violence et d’une acidité inouïe. Cette barbarie fait place à une page musicale des plus libre et expressive : les Variations op.41 de Kapustin. Inspirées librement du Sacre du printemps de Stravinsky, les variations gardent le modèle des variations de Rachmaninov et illustrent en quelques minutes les caractéristiques esthétiques du compositeur. Dans une atmosphère tranquille, s’apprécie le mélange de cultures, notamment par l’intervention de motifs jazz (Count Basie, Errole Garner) juxtaposés à d’autres plus classiques.
C’est avec assurance que Fanny Azzuro aborde chacune des trois pièces. Piano clair (notamment par la beauté du son du Yamaha CFX utilisé), sensible et précis pour un programme particulièrement physique. Dans Rachmaninov, ce seront les nombreux contrastes associés à une très large palette de couleurs qui raviront les oreilles. En plus de chanter chaque motif, la pianiste s’illustre avec une maîtrise parfaite de la pédale qui permet ici une clarté de langage. Avec Prokofiev, ce sera un caractère plus marqué et franc avec un piano percutant, parfois acide et rythmiquement incisif. Peu de répits pour la pianiste qui apporte à l’œuvre un long souffle et une direction claire et intelligente. Avec Kapustin, le jeu est davantage improvisé, dans l’idée d’une envolée enflammée où se distille un piano dansé, rythmé et coloré. C’est cette profondeur et à la fois ce jeu naturel qui rendent cet enregistrement passionnant. Notons également une brillante présentation du répertoire de la main de Laetitia Le Guay. Fanny Azzuro offre pour son premier enregistrement un jeu coloré, contrasté, échos d’une grande maîtrise pianistique.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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