Sandra Chamoux, entre les temps de Debussy à Hersant 

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La pianiste Sandra Chamoux nous ravit avec un superbe album Calliope qui met en miroir le cycle Éphémères de Philippe Hersant avec les deux cahiers des Images de Claude Debussy. Crescendo-Magazine rencontre cette pianiste qui jette des passerelles entre les époques. 

Votre album met en regard le cycle des Ephémères de Philippe Hersant aux deux cahiers des Images de Claude Debussy. Comment avez-vous envisagé et conçu ce programme ? 

Les Images de Debussy sont pour moi une œuvre magistrale et un chef d’œuvre parmi l’œuvre pianistique de Debussy. Depuis très longtemps, je les travaille et chaque image m’évoque un univers indépendant, unique et très évocateur de couleurs, de senteurs, d’images, de sensualité mêlant tous les sens… Dans le livret qui accompagne le disque, je tenais à mettre la phrase de Cocteau parlant de Debussy car c’est absolument Debussy…

C’est en cherchant un compositeur français et contemporain que j’ai immédiatement pensé à Philippe Hersant… j’avais eu l’occasion de jouer de ses œuvres en musique de chambre et son univers sonore m’avait naturellement plongée dans les mêmes sensations que celles ressenties en jouant Debussy. Philippe Hersant m’a de lui-même amené vers ses Éphémères et le coup de foudre pour cette œuvre aussi magistrale a été évident. 

Récemment nous avons chroniqué un album de l’une de vos confrères qui confrontait les Préludes de Debussy à des pièces de Tristan Murail. Claude Debussy est-il une porte d’entrée indispensable pour comprendre la musique contemporaine pianistique française ? 

À mon sens, Debussy ouvre à tous les possibles, il ouvre toutes les portes et à chacun de franchir le seuil vers d’autres espaces ! Il évoque la nature, l’univers, les sensations, les sens, et la vie sans forcément passer par l’humain ; il y a donc une liberté infinie vers des nouveaux mondes sonores. Les Éphémères de Philippe Hersant sont un immense voyage de sensations et tenter de les faire se rencontrer et dialoguer avec les images de Debussy m’a semblé naturel.

Par extension, le dialogue entre les temps est-il un axe essentiel pour envisager notre époque et se projeter dans le futur ? Cette question car on entend souvent le terme de la “réinvention” ; la musique, surtout classique, n’est-elle pas une continuation, avec des ruptures, d’une chronologie, d’un temps long ? 

Chaque œuvre est réinventée chaque fois qu’elle est recréée. Bach, Beethoven, Schubert, Debussy sont toujours vivants puisque leur génie peut être écouté et interprété quelques centaines d’années après. Le temps permet seulement de construire une interprétation naissant du passé, vivant dans le présent et ouvrant vers le futur. La musique « classique» à cette particularité parmi les autres arts de faire vivre le passé puisque les artistes classiques n’existent pas sans le passé tout en étant uniquement dans le présent, dans l’instant où quelque chose est joué et qui disparaît ensuite…On peut se référer à Jankelevitch qui a tellement écrit à ce sujet ! 

Par rapport au cycle des Ephémères, comment pouvez-vous définir cette musique ? Comment ce cycle s’intègre-t-il dans l'œuvre du compositeur ? 

Philippe Hersant lui-même m’a dit qu’il considérait ses Éphémères comme son voyage d’hiver…Elles sont des souvenirs de sa vie, des rencontres, des évocations de sensations qu’il a gardées en mémoire…Elles sont écrites sur des haïkus du poète japonais Matsuo Bashô, ce qui leur donne un monde intense et compact. Il y en a vingt-quatre et ce chiffre en musique classique est un symbole : les vingt-quatre préludes et fugues du Clavier bien Tempéré de Bach ou les vingt-quatre Préludes de Chopin pour ne citer qu’eux !

Il a tenté de ne pas se cantonner à vingt-quatre mais il dit lui-même qu’il n’est pas parvenu à faire autrement. Tout son imaginaire et sa personnalité sont concentrés dans ses Éphémères. C’est en tous cas mon avis. .

Quels sont vos prochains projets musicaux?

Travailler l’œuvre de Poulenc sur les poèmes d’Eluard avec le duo Phidylé constitué d’Emmanuel Cury, baryton et de moi-même. Nous avons enregistré l’intégrale des mélodies de Duparc pour le même label Calliope. J’ai également plusieurs concerts à mon planning dont les cinq Sonates pour violoncelle et piano de Beethoven avec Hélène Dautry ou au Festival Berlioz de la Côte Saint André avec le duo Phidylé cet été,

Le site de Sandra Chamoux : www.sandrachamoux.com

  • A écouter :

Philippe Hersant : 24 Ephémères ; Claude Debussy : Six Images. Sandra Chamoux, piano.  Calliope CAL 2185;

 

 

Crédits photographiques : Jean-Baptiste Millot

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot

 

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