Dissection d'un chef d'œuvre du début du XXème siècle !

par
Schoenberg Poirier

Les cinq pièces pour orchestre op.16 d'Arnold Schoenberg
par Alain Poirier
... et arrêt de mort de la tonalité.
En cette fin de la première décennie du siècle dernier, Schönberg [1] veut abandonner la voie qu'il avait suivie avec ses premières œuvres comme La nuit transfigurée ou les Gurrelieder et comme il l'écrit lui-même aspire à une libération complète de toutes les formes, de tous les symboles, de la cohérence et de la logique. Avant de formuler sa technique de composition basée sur la notion de séries, il détricote les relations tonales avec les Pièces pour piano op. 11 et, en 1909, avec ces Cinq pièces pour orchestre op.16 sous titrées pressentiments, le passé, matin d'été sur un lac, péripétie et le récitatif obligé. Cinq pièces inhabituellement courtes pour la période ; la plus longue - la seconde - tourne autour des cinq minutes, la plus courte - la première - fait à peine deux minutes. La troisième - la plus connue - introduit la notion de mélodie par timbres - Klangfarbenmelodien. Inutile de préciser que le public n'était guère prêt, en 1910, à apprécier la richesse de ces innovations - l'est-il beaucoup plus aujourd'hui ? En 1913, lors de la première américaine à Chicago, un critique musical n'hésitait pas à écrire : S'il y a quelque chose de plus tout à fait monstrueux, plus affreux et plus artistiquement sordide que les Cinq Pièces de Schoenberg, ce peut être quelques autres compositions du même créateur ou d'un de ses disciples. Un chat descendant le clavier d'un piano en pourrait tirer une plus belle mélodie que celles venues de la conscience du compositeur viennois (Felix Borowski).
A l'opposé, Stravinski qualifiait ces pièces d'œuvre parfaite. Comme l'est cette contribution du musicologue Alain Poirier. Après avoir retracé l'environnement musical et culturel de l'année 1909 et les relations de Schoenberg avec Busoni, Strauss et Mahler, l'auteur développe une analyse pertinente et détaillée de chacune des cinq pièces - on n'est pas loin de certains écrits de Pierre Boulez à la mémoire duquel le livre est dédié. L'exposé - qui, autrement, aurait pu être indigeste - est éclairé par un grand nombre d'illustrations musicales de la partition. Des notes de bas de pages précises, une bibliographie étendue et une discographie complète constituent des aides appréciables pour le lecteur. Un bel ouvrage d'analyse donc pour ceux et celles qui veulent mieux saisir la richesse de cette période de transition musicale !
Jean-Marie André
2016, Editions Aedam Musicae, 181 pages, 19 €

[1] L'orthographe de son nom a été anglicisée en Schoenberg, qui est d'ailleurs l'orthographe retenue comme forme savante à valeur internationale (selon la Bibliothèque Nationale de France). Le compositeur a lui-même opté pour le remplacement du "ö" par "oe" quand il s'est installé aux Etats-Unis, ainsi qu'on peut le lire dans sa correspondance (JC Lattès).

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