Sébastien Daucé honore Campra et les Maîtres de Notre-Dame de Paris

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André Campra (1660-1744) : Messe de Requiem. François Cosset (ca 1610 - ca 1673) : Missa sex vocum « Domine salvum fac regem ». Jean Veillot (ca 1600-1662) : Ave verum corpus ; Domine salvum fac regem. Jean Mignon (1640-1708) : Plain-chant : Procul maligni cædite Spiritus. Pierre Robert (ca 1622-1699) : Christe redemptor omnium ; Plain-chant : Templi sacratas ; Tristis est anima mea. Ensemble Correspondances, direction Sébastien Daucé. Notice en français, en anglais et en allemand. Textes originaux avec traduction. 69’56’’. Harmonia Mundi HMM902679. 

Cet album de musique sacrée se présente comme un hommage à Notre-Dame de Paris, à travers un parcours qui invite à découvrir la musique de quelques-uns des grands maîtres qui, sous le règne de Louis XIV, ont fait résonner les vénérables voûtes de ce haut lieu sacré de la France de l’Ancien Régime. Ce texte tiré de la notice, signée par Thomas Leconte, du Centre de musique baroque de Versailles, souligne le fait que Notre-Dame est aussi « la cathédrale de la nation », même si l’emblématique et célèbre Requiem de Campra fait de l’ombre à des pages de musiciens oubliés ou méconnus qui méritent, eux aussi, d’être mis en valeur. Le programme propose en plus des œuvres de quelques créateurs du temps qui ont brillé dans le langage religieux, qu’il s’agisse du plain-chant, de la polyphonie, du contrepoint ou du motet. Un contexte de haute spiritualité s’installe tout au long d’une affiche qui trouve son apothéose dans la partition de Campra, placée en fin de projet.

Le Requiem, composé, selon des recherches récentes, entre la fin de l’année 1699 et les tout premiers mois de 1700 pour l’enterrement d’un chancelier (Campra sera bientôt remplacé dans ses fonctions à Notre-Dame), a connu, surtout en province, une vraie popularité en ce XVIIIe siècle, au même titre que la Messe des morts de Jean Gilles ou les fastes de Michel-Richard de Lalande. Œuvre fervente, traversée par des moments contemplatifs ou vibrants, tendrement confiants ou exaltés, cette messe d’une quarantaine de minutes a été bien servie par le disque : John Eliot Gardiner (Erato, 1979), Philippe Herreweghe (Harmonia Mundi, 1986), et surtout Hervé Niquet (Adda, 1991) en ont laissé de mémorables versions qui n’ont guère perdu, selon leurs options, de leur émotion contrastée, de leur poésie subtile et légère, ou de leur vitalité colorée, cette dernière étant l’apanage de Niquet, avec des solistes de qualité. Des gravures plus récentes (Hans Michael Beuerle/Carus, 2016 ; Emmanuelle Haïm/Warner, 2023) ont tracé leur chemin, avant la présente version de Sébastien Daucé. 

Ce dernier opte pour un style fin et aéré, dans un climat limpide, qui place au centre du jeu une expressivité retenue et, comme il convient, très respectueuse de la circonstance pour laquelle ce Requiem est destiné. L’enregistrement a été effectué en janvier 2024 en l’Église Notre-Dame-du-Liban, où de nombreux disques ont été gravés. Le résultat s’affiche en termes de transparence, de clarté équilibrée et de spiritualité à la fois sobre et libératrice. Le chant est de qualité, les divers solistes apportant le plus grand soin à leurs parties, en particulier dans un Domine, Jesu Christe presque suppliant, un Sanctus exalté ou un Lux æterna qui prépare la libération finale, loin des contingences terrestres. Une superbe version, mûrie et révélatrice.

Pour introduire ce chef-d’œuvre, Sébastien Daucé met en évidence quatre autres maîtres de Notre-Dame, moins connus, mais dont les pages choisies indiquent la qualité d’inspiration. C’est le cas pour les deux motets de toute beauté de Jean Veillot, qui fut à la tête de la maîtrise de la cathédrale avant d’être nommé à la Chapelle Royale, ou pour les extraits polyphoniques de la Missa sex vocum de François Cosset, dont on lira dans la notice les soucis qu’il connut, notamment en matière de discipline des jeunes choristes et d’opposition des chanoines. Pierre Robert ne connut pas ces problèmes. En 1653, il fut élu à l’unanimité maître de musique de Notre-Dame de Paris, poste qu’il occupera pendant près de dix ans. Son motet Christe redemptor omnium sur l’hymne de la Toussaint justifie à lui seul le respect avec lequel il fut considéré, lui assurant une postérité moins oublieuse que celle de ses pairs. Quant à Jean Mignon, qui fut maître de musique de l’édifice sacré pendant trente ans, on apprécie un bref moment de plain-chant, qui date de 1681.

Ce superbe panorama consacré à des musiciens de Notre-Dame de Paris au Grand Siècle plaira à coup sûr aux amateurs de musique sacrée, mais aussi à ceux que passionne cette période faste de l’Ancien Régime, qui a produit tant de magnifiques partitions.

Son : 9  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Jean Lacroix  

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