Elodie Vignon, pianiste 

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La pianiste Elodie Vignon fait paraître chez Cyprès un album consacré à des oeuvres d’Henri Dutilleux et Claude Ledoux. Après un disque Debussy particulièrement brillant et remarqué, la musicienne poursuit son exploration du répertoire français en proposant un contrepoint contemporain belge. 

Votre nouvel album est centré sur des pièces pour piano d’Henri Dutilleux. Qu’est-ce qui vous a poussé vers l’enregistrement de partitions de ce compositeur ? 

Dans la continuité de mon exploration des Études de Claude Debussy, Dutilleux s’est assez vite imposé. Il me semble qu’il s’agit d’un compositeur français majeur, pourtant souvent moins programmé que Messiaen ou Boulez, du moins dans son répertoire pour piano.

Cet album vient après un précédent disque consacré à Debussy. Est-ce qu’il y a une filiation entre Debussy et Dutilleux ?

Pour moi, c’est une évidence, même si Dutilleux a sa propre esthétique : il est dans la recherche de l’élégance et de la délicatesse typiques de l’école française. Dutilleux a beaucoup composé au bord de la mer et il partage avec Debussy cette inspiration tirée de l’élément « eau ». On retrouve chez Dutilleux une forme de ductilité qui fait la grandeur de Debussy. Les atmosphères très poétiques et envoûtantes sont, elles aussi, communes aux deux compositeurs.

Et Dutilleux s'inspire encore du dodécaphonisme, tout en refusant toute étiquette. Son écriture reste néanmoins toujours particulièrement expressive ; certains critiques de la fin du XXe l’ont justement qualifié de "moderne classique", et je trouve que cette dénomination lui va parfaitement.

Vous proposez également Surgir, une pièce du compositeur belge Claude Ledoux. En quoi est-elle un contrepoint musical aux oeuvres de Dutilleux ? 

D’abord, Claude Ledoux connaît très bien la musique d’Henri Dutilleux. D’autre part, Surgir a été écrite pour moi, dans la continuité de mon interprétation de Debussy. Il va sans dire qu’il s’agit d’une partition qu’on peut affilier à la musique française. Le premier mouvement commence avec un effet sonore de cordes étouffées qui nous rappelle la dimension orchestrale des compositeurs français, pour faire éclore une sorte de toccata qui fait parfois penser à Ravel. Le deuxième mouvement, quant à lui, part du jazz instrumental que Debussy affectionnait beaucoup. Ledoux a ceci de commun avec Dutilleux qu’il donne des indications nombreuses et extrêmement précises, même si l’interprétation de la pièce requiert une liberté certaine à oser.

Dans le cadre du festival "Propulse" des talents de la Fédération Wallonie Bruxelles,  vous allez présenter le programme de ce cd avec une collaboration avec le danseur Nono Battesti. Comment est venue l’idée de cette collaboration. En quoi apporte-elle un regard nouveau (ou différent) sur ces oeuvres ?  

Effectivement, nous présenterons un extrait de notre création intitulée “Entre temps”. Au regard de ce programme de disque assez exigeant, je voulais proposer davantage qu’un simple croisement des arts. L’idée m’est venue en voyant des vidéos de Nono Battesti, qui chorégraphie tous ses spectacles de façon très narrative. En abordant ce répertoire difficile, mais avec une proposition de narration et un travail de mise en scène et en lumière, j’ai misé sur le fait que cela pourrait donner des clés d’écoute et de découverte au public. Travailler sur un répertoire donné a été un challenge pour Nono et, pour moi, le défi à relever a été de construire avec lui toute une histoire sur ces pièces et de mettre des mots sur tout ce qu’elles m’évoquent.

Vous êtes une Française qui réside en Belgique depuis de nombreuses années. Est-ce qu’il y a une prolongation belge d’une certaine esthétique française incarnée par Debussy ou Dutilleux ?  

Claude Ledoux bien sûr !…Mais aussi Benoît Mernier dont j’ai créé l’an dernier Chant d’exil pour voix, violoncelle et piano (avec Clara Inglese et Sébastien Walnier dans le cadre d’un album pour Cyprès). On retrouve une recherche harmonique et des ambiances d’un raffinement très proche de l’écriture debussyste. Et il me semble que Philippe Boesmans peut être aussi expressif et poignant que Dutilleux…et bien d’autres…Il y aurait mille croisements à imaginer entre la France et la Belgique. C’est ce que j’avais privilégié dans mon premier disque aussi en commandant au poète belge  Lucien Noullez  des poèmes sur les Études de Debussy.

Après Debussy et Dutilleux, quelle sera la prochaine étape ? Ravel ? Messiaen ? Ou un autre ? 

J’espère qu’il y en aura plusieurs, les idées ne manquent pas. Messiaen m’attire beaucoup mais d’autres compositeurs aussi me touchent énormément, comme Fauré ou Saint-Saëns. J’aimerai aussi pouvoir étudier en profondeur des concerti contemporains…patience et travail au programme !

Le site d’Elodie Vignon : https://elodievignon.com/

A écouter : 

D'ombres. oeuvres de Claude Ledoux et Henri Dutilleux. Elodie Vignon, piano.Cyprès Records.

 

 

 

Crédits photographiques : Isabelle Françaix

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot 

 

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