Sublime Capriccio au Palais Garnier

par

© Vincent Pontet

Pour la quatrième fois, le Palais Garnier reprend la production de ‘Capriccio’ de Richard Strauss conçue par Robert Carsen en juin 2004. Et c’est effectivement à ce plateau qu’elle restera indissolublement liée, puisque l’action y a lieu durant l’occupation nazie.Alors que descend des cintres une toile peinte style Fragonard et que les valets s’affairent à disposer les sièges pour un sextuor à cordes, la Comtesse Madeleine savoure rêveusement, en fond de parterre, le débat esthétique qui oppose Flamand, le musicien, à Olivier, le poète. Et lorsqu’elle entre finalement sur scène, le décor somptueux de Michael Levine reproduit la suite de salons à lustre flamboyant ; et en un saisissant effet, le tableau final ouvrira la perspective jusqu’au Foyer de la Danse. Les costumes d’Anthony Powell, notamment la robe de soirée bleue de la protagoniste, suggèrent une apparente sérénité que ne pourra déstabiliser la venue d’un détachement militaire. Dans la fosse d’orchestre, la direction d’Ingo Metzmacher se rapproche de l’idéal par la subtilité du coloris alliée à un lyrisme crépusculaire touchant la corde sensible. Par contre, le sextuor manque du souffle qu’affichera le trio violon-violoncelle-clavecin constitué par Agnès Crespel, Giorgi Kharadzé et Muriel Béard. Sur le plateau, Emily Magee prête à la Comtesse la dimension d’un grand lyrique en déjouant les pièges d’un ‘Sprechgesang’ d’une rare exigence théâtrale. Exploitant la même veine, le Flamand de Benjamin Bernheim et l’Olivier de Lauri Vasar réussissent magistralement leur début ‘in loco’ par l’éloquence de l’accent. Lars Woldt est un La Roche batailleur écrasant une larme de nostalgie, Michaela Schuster, une Clairon un brin sardonique face aux avances du Comte beau parleur de Wolfgang Koch. D’une extrême drôlerie, les deux Chanteurs italiens de Chiara Skerath et Juan José De Leon ; toute de fraîcheur gracieuse, la petite danseuse de Camille de Bellefon, de componction cérémonieuse, le Majordome de Jérôme Varnier surtout lorsque sort d’une trappe comme son Mime légendaire, M.Taupe campé par Graham Clark. Impressionnante ovation au rideau final.
Paul-André Demierre
Paris, Palais Garnier, le 6 février 2016)

Les commentaires sont clos.