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L'Orchestre national de Lille fête Ravel

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Pour célébrer les 150 ans de la naissance de Ravel, l’Orchestre national de Lille a proposé une tournée de quatre concerts autour d’un programme original, mêlant raretés et hommages. À côté d’une adaptation de la suite orchestrale Antar de Rimski-Korsakov, on découvrait la Petite Suite de Germaine Tailleferre.

Sous la direction de Joshua Weilerstein, l’Orchestre national de Lille semble trouve un nouveau souffle. La sonorité s’est élargie, l’expression s’est assouplie et enrichie de nuances plus colorées. Les trois petites pièces de caractère de Tailleferre — Prélude, Sicilienne et Les Filles de La Rochelle — évoquent des images comme des pages d’un livre de contes. Elles s’enchaînent naturellement à la Pavane pour une infante défunte de Ravel, dont la délicatesse trouve ici un écho poétique. Les cordes, soyeuses, dessinent avec justesse la silhouette fragile de cette princesse éternellement endormie.

Vient ensuite le Concerto en sol, avec au piano Nikolaï Lugansky. Interpréter Ravel n’est pas si courant chez ce pianiste, et l’occasion attire à juste titre l’attention. Dès le premier mouvement, sa précision et son sens du rythme imposent l’écoute. Le final, d’une énergie maîtrisée, témoigne d’une parfaite cohésion entre le soliste et l’orchestre. Mais c’est surtout le mouvement lent qui retient l’émotion : dans la rigueur du cadre rythmique, Lugansky laisse respirer la musique avec de subtiles inflexions de tempo, sans la moindre emphase romantique. Le bis — Jardins sous la pluie de Debussy — confirme cette élégance distante, presque ascétique, mais d’une beauté souveraine. On notera aussi son attitude sur scène : lorsque le chef présente chaque pupitre, il salue avec lui les musiciens par un signe de main ; on perçoit un véritable respect et une complicité rare entre les artistes.

Ravel, merveilles jazzy et autres sortilèges orientaux…

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 Le « Sébasto » (Théâtre Sébastopol) qui fit les beaux jours et dimanches après-midi des amoureux d’opérette à Lille, bruissait, ce mardi 14 octobre 2026, d’une toute singulière fièvre légèrement impressionniste, poétique et jazzy tout à la fois avec quelques touches nostalgiques d’orientalisme façon 1900. C’est que l'Orchestre national de Lille dirigé par son chef titulaire Joshua Weilerstein y célébrait, à sa manière, les 150 ans de Maurice Ravel.

En ouverture de soirée, histoire de se replonger dans l’ambiance musicale de l’époque, la Petite suite pour orchestre de Germaine Tailleferre (amie proche de Ravel et seule femme du fameux groupe des Six) œuvre élégante et pleine de charme teintée d’impressionnisme.

Cette petite « mise en oreille » est immédiatement suivie de la Pavane pour une infante défunte dont on ne se lasse pas, portés que nous sommes par les couleurs sonores impressionnistes et bercés par les accents nostalgiques du cor solo de cette mélancolique évocation du célèbre tableau de Vélasquez « Les Ménines ».

Le temps d’installer le piano sur scène et nous voila embarqués pour la turbulente traversée outre- atlantique du Concerto pour piano et orchestre en sol majeur.

On ne présente plus Nikolaï Lugansky , pianiste majeur de l’école russe, interprète de prédilection de Rachmaninov ; sa présence sur scène toute d’élégance et de simplicité impressionne et, dans cette œuvre majeure de Ravel imprégnée de références au jazz, la virtuosité sensible du pianiste n’a d’égale que le raffinement orchestral.   La parfaite connivence entre Nikolaï Lugansky et la direction d’orchestre de Joshua Weilerstein nous embarque dans une aventure musicale à couper le souffle.  Dans la foulée de ce moment passionné et comme pour apaiser les esprits, nous aurons droit  en bis  aux jardins sous la pluie de Debussy. 

Après l’entracte, Ravel toujours, mais pour une pièce beaucoup moins connue, une musique de scène, un arrangement qu’il fit d’une partition de Rimski-Korsakov pour lequel il nourrissait une grande admiration. La  symphonie n°2 « Antar » de Rimski-Korsakov, inspirée d’un texte de l’écrivain Ossip Senkoski fait référence aux aventures légendaires vécues par le poète et guerrier arabe Antara ibn Shaddad ; une histoire d’esclavage, de puissance et de gloire ; une histoire d’amour et de mort propre à enflammer les esprits et la verve des compositeurs, russe et Français. 

Du classique follement Jazz pour l’ouverture de saison de l’ONL

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Le théâtre du Casino Barrière de Lille était plein à craquer lorsque les musiciens, selon une habitude bien ordonnée, rejoignirent leurs pupitres. Petite note singulière toutefois la plupart d’entre eux arboraient, qui sur le strict costume de scène, qui au poignet ou pour nouer la chevelure, un éclatant ruban rouge. Il ne s’agissait pas d’une fantaisie vestimentaire mais, en ce jeudi 2 octobre, journée nationale de manifestation contre la politique d’austérité et de casse sociale des gouvernements successifs, une façon de dire qu’eux aussi étaient en grève et solidaires du mouvement dans le pays. En préambule au concert une jeune instrumentiste expliqua en termes sobres et clairs combien la culture qui n’est pas épargnée est pourtant plus essentielle que jamais. Propos chaleureusement accueilli par le public.

Place ensuite à la musique si indispensable pour un « vivre ensemble » aujourd’hui menacé par bien des aspects.

Cette soirée d’ouverture de la saison 2025/26, la seconde de Joshua Weilerstein à la direction musicale de l’Orchestre, avait une belle allure de classique follement jazz et l’origine newyorkaise du chef n’y est sans doute pas pour rien.  Imaginez un peu le cocktail tonique que peut produire le mélange de Three Dance Episodes pour orchestre extraites de On the Town (1945)   de Leonard Bernstein, le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel (1929), Harlem de Duke Ellington (1950) et, en seconde partie, la suite de 1919 de L’oiseau de feu  d’Igor Stravinski. De quoi « faire sauter la banque » du Casino lillois qui accueillait l’évènement.

Sous le dôme de Chantilly, la musique en majesté avec Matthias Goerne et l’Orchestre national de Lille

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Les imposants murs du dôme des Grandes Écuries du Château de Chantilly vibrent, quatre week-ends par an, au souffle des plus grands maîtres. Depuis sa création en 2021, sous l’impulsion du prince Amyn Aga Khan et du pianiste Iddo Bar-Shaï, le festival s’est imposé comme un rendez-vous singulier où les plus grands — Martha Argerich, Evgueny Kissin, Maxim Vengerov, Mischa Maisky — ont déjà foulé la piste circulaire. Un lieu à part, presque irréel : cette piste, jadis abreuvoir monumental et fontaine rocaille, se déploie sous un dôme de 28 mètres de haut, construite au XVIIIᵉ siècle pour les chevaux princiers. C’est dans ce décor unique que se déroule les concerts du soir, dans une acoustique ample et généreuse, et avec ce parfum des animaux qui flotte dans l’air. Le 14 septembre dernier, l’espace accueillait l’Orchestre national de Lille et un invité de prestige, le baryton allemand Matthias Goerne.

Le BNO fête la musique avec un programme étonnant

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Joshua Weilerstein

À l’occasion de la Fête de la musique, le Belgian National Orchestra nous a proposé un programme très étonnant en ce vendredi 21 juin. Dirigé par le chef d’orchestre américain Joshua Weilerstein et rejoint par le violoncelliste Yibai Chen, l’orchestre bruxellois nous a offert une belle soirée de fête. 

Pour débuter ce concert, nous avons entendu le Concert Românesc de György Ligeti. Oeuvre de jeunesse du compositeur hongrois, elle diffère grandement du style moderniste du Ligeti mature, bien que certaines idées fassent déjà leur chemin dans cette composition. Inspirée des musiques tsiganes et du folklore Roumain, cette pièce prend naissance dans l'expérience qu’il a récoltée lors de ses études en Roumanie à l’Institut du Folklore de Bucarest entre 1949 et 1950 et dans son admiration pour Bartók. Comprenant quatre mouvements, cette pièce bouillonnante d’énergie fut une très belle entrée en matière pour l’orchestre belge. De magnifiques couleurs furent déployées par les musiciens, notamment dans le piano vrombissant au début de la quatrième partie ou encore dans les dialogues entre les deux cors solistes, l’un sur scène, l’autre en coulisses. Il est toutefois dommage que certaines fragilités soient apparues dans le jeu des deux cornistes, notamment au niveau de la justesse. Nous pouvons également saluer la virtuosité et l’engagement de la konzertmeister qui a parfaitement répondu à l’orchestre, en égalant ses nuances et sa puissance. 

Martin James Bartlett dans les Rhapsodies de Gerswhin et Rachmaninov, l’art du caméléon

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Rhapsody. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Rhapsodie sur un thème de Paganini en la mineur op. 43 ; Vocalise op. 34 ; Where Beauty dwells op. 21 [arrgmts Earl Wild] ; Polka de W.R. [d’après Franz Behr]. George Gershwin (1898-1937) : Rhapsody in Blue [orch. Ferde Grofé] ; The Man I love ; I got Rhythm. Earl Wild (1915-2010) : Etudes no 4 et no 7 sur Embraceable You et Fascinatin’ Rhythm de Gerswhin. Martin James Bartlett, piano. Joshua Weilerstein, Orchestre philharmonique de Londres. Août 2020 & octobre 2021. Livret en anglais, français et allemand.  67’33''. Warner Classics 0190296434334

Wies de Boevé, contrebassiste 

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Notre compatriote Wies de Boevé publie un album avec orchestre dédié à des partitions concertantes de Giovanni Bottesini. Ce musicien est par ailleurs soliste à l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise. Cet entretien est l’occasion de d’évoquer ce nouvel album et la prestigieuse phalange bavaroise. 

La contrebasse n’est pas l’instrument le plus connu. Qu’est-ce qui vous motivé à l’apprendre ? 

Je viens d’une famille nombreuse et mes parents ont donné à chacun de nous l’opportunité d’apprendre un instrument de musique. Je jouais du violon et mon frère aîné de la contrebasse. Ce n’était toutefois pas sa grande passion et quand il a décidé d’arrêter, la contrebasse s’est retrouvée seule dans son coin. Mes parents m’ont alors motivé à commencer cet instrument, qui passait finalement mieux avec ma taille !

Vous êtes soliste auprès de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise à Munich. L’orchestre a récemment perdu son directeur musical Mariss Jansons. Je présume que cela a été un choc ?  

Mariss Jansons était notre chef depuis 16 ans, c’est dire que la relation qui nous unissait à lui était forte, et pas seulement musicalement. Nous savions tous qu’il souffrait de problèmes cardiaques depuis des années et que sa santé était fragile mais la nouvelle de sa mort nous a pris par surprise et nous a bouleversé. Il est décédé juste après notre tournée en Europe et à New York, pendant laquelle on le voyait bien sûr un peu plus faible que d’habitude mais son énergie sur scène était toujours aussi incroyable. Il était convaincu qu'il ne fallait jamais montrer ses faiblesses. 

Le tandem entre Mariss Jansons et l'Orchestre Symphonique de la radio bavaroise a été une grande réussite, un peu comme l'alliance Karajan-Berliner Philharmoniker ou Bernstein-New York Phiharmonic. Comment un orchestre et son chef peuvent-ils atteindre un tel degré de réussite artistique ?

Il y a quelques conditions pour une telle relation : d'un côté, un musicien d'exception qui veut investir toute son énergie dans son orchestre et qui se sent responsable de lui. De l'autre côté, un ensemble de musiciens qui se laisse inspirer et qui a les moyens de traduire ces idées en musique. Mariss Jansons fut chef de l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion Bavaroise pendant 16 ans, ce qui est signe aussi de stabilité. 

 Avec l’Orchestre de chambre de Lausanne, un nouvel Horowitz ?

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Une ou deux fois par saison, l’Orchestre de Chambre de Lausanne se produit au Victoria Hall de Genève en répondant à l’invitation de l’Orchestre de la Suisse Romande qui, en ces-jours-ci, s’est mis en route pour une longue tournée en Extrême-Orient.

Son directeur musical et artistique depuis 2015, Joshua Weilerstein, prend d’abord la parole pour expliquer que le programme est une véritable Arche russe qui a pour clé de voûte le Quatrième Concerto pour piano et orchestre en si bémol majeur op.53 de Sergey Prokofiev.  Ecrit en septembre 1931 pour Paul Wittgenstein qui refusa de le jouer, l’ouvrage ne sollicite que la main gauche du soliste ; il fut relégué aux oubliettes puis fut créé le 5 septembre 1956 à Berlin par Siegfried Rapp avant de susciter l’intérêt de Rudolf Serkin. Ici, un jeune pianiste moscovite de trente-cinq ans, Boris Giltburg, l’empoigne avec une énergie roborative qui suscite un jeu percussif brillant et une articulation permettant les sauts de tessiture les plus invraisemblables. L’andante acquiert l’expression de la déploration  qu’accentuent de pesantes formules en triolets et de puissants ‘fortissimi’, tandis que le scherzo resplendit par la précision du trait, se voilant sous de vaporeuses envolées. Et le finale tient de la toccata la plus échevelée. Devant l’enthousiasme délirant des spectateurs, Boris Giltburg concède de bonne grâce deux bis, le Prélude en si majeur op.32 n.12 de Sergey Rakhmaninov, fugace comme une brève élégie, et une Suggestion diabolique op.4 n.4 de Prokofiev  à couper le souffle. Aurait-t-on découvert un nouvel Horowitz ?

Mélodies passionnées

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Kurt WEILL (1900-1950) : Les Sept Péchés capitaux. Marcus PAUS  (° 1979) :Chants de haine. Charles IVES (1874-1954) :Cinq mélodies–La Question sans réponse. Tora AUGESTAD (mezzo-soprano), Orchestre philharmonique d’Oslo, dir. : Joshua WEILERSTEIN et Christian EGGEN. DDD–2018–72’ 47’’–Texte de présentation en anglais–LAWO LWC1164

A Lausanne, un COSÌ FAN TUTTE désopilant  

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Au milieu de la scène trône un écran de cinéma où défile le générique d’un film, La Scuola degli Amanti, réalisé par Alfonso Produzione, coût de l’opération : 100.000 euros. Voilà ce que découvre, durant l’Ouverture, le spectateur ébahi par cette relecture de Così fan tutte qui est due à Jean Liermier, l’actuel directeur du Théâtre de Carouge, concepteur d’une époustouflante My Fair Lady en décembre 2015. D’emblée, il avoue avoir trouvé son inspiration dans la téléréalité de Mon incroyable fiancé et surtout dans celle de L’île de la tentation.