Wies de Boevé, contrebassiste 

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Notre compatriote Wies de Boevé publie un album avec orchestre dédié à des partitions concertantes de Giovanni Bottesini. Ce musicien est par ailleurs soliste à l’Orchestre Symphonique de la Radio bavaroise. Cet entretien est l’occasion de d’évoquer ce nouvel album et la prestigieuse phalange bavaroise. 

La contrebasse n’est pas l’instrument le plus connu. Qu’est-ce qui vous motivé à l’apprendre ? 

Je viens d’une famille nombreuse et mes parents ont donné à chacun de nous l’opportunité d’apprendre un instrument de musique. Je jouais du violon et mon frère aîné de la contrebasse. Ce n’était toutefois pas sa grande passion et quand il a décidé d’arrêter, la contrebasse s’est retrouvée seule dans son coin. Mes parents m’ont alors motivé à commencer cet instrument, qui passait finalement mieux avec ma taille !

Vous êtes soliste auprès de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise à Munich. L’orchestre a récemment perdu son directeur musical Mariss Jansons. Je présume que cela a été un choc ?  

Mariss Jansons était notre chef depuis 16 ans, c’est dire que la relation qui nous unissait à lui était forte, et pas seulement musicalement. Nous savions tous qu’il souffrait de problèmes cardiaques depuis des années et que sa santé était fragile mais la nouvelle de sa mort nous a pris par surprise et nous a bouleversé. Il est décédé juste après notre tournée en Europe et à New York, pendant laquelle on le voyait bien sûr un peu plus faible que d’habitude mais son énergie sur scène était toujours aussi incroyable. Il était convaincu qu'il ne fallait jamais montrer ses faiblesses. 

Le tandem entre Mariss Jansons et l'Orchestre Symphonique de la radio bavaroise a été une grande réussite, un peu comme l'alliance Karajan-Berliner Philharmoniker ou Bernstein-New York Phiharmonic. Comment un orchestre et son chef peuvent-ils atteindre un tel degré de réussite artistique ?

Il y a quelques conditions pour une telle relation : d'un côté, un musicien d'exception qui veut investir toute son énergie dans son orchestre et qui se sent responsable de lui. De l'autre côté, un ensemble de musiciens qui se laisse inspirer et qui a les moyens de traduire ces idées en musique. Mariss Jansons fut chef de l’Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion Bavaroise pendant 16 ans, ce qui est signe aussi de stabilité. 

Depuis ses débuts en 1949, l’Orchestre de la Radio Bavaroise est l'un des plus grands orchestres du monde. Comment un tel orchestre peut-il s'établir et rester au sommet mondial ?

 L'idée d’origine était de créer un ensemble d'exception. En ce qui concerne les cordes, des quatuors étaient attirés pour former la base des sections des violons, altos et violoncelles.

Je pense que cette sensibilité pour la musique de chambre est importante pour un orchestre. S'écouter et dialoguer sont deux notions essentielles pour pouvoir créer un ensemble. Et enfin l'orchestre a eu la chance de pourvoir compter sur des chefs charismatiques qui ont donné chacun un peu de leur identité et ont travaillé à sa renommée internationale.

Vous venez de publier un enregistrement d'œuvres de concert de Giovanni Bottesini. Comment ce projet a-t-il vu le jour ? 

Lorsque Klara m’a offert l’opportunité d’enregistrer un album avec le Brussels Philharmonic, je me suis bien sûr interrogé sur les pièces de notre répertoire qui méritaient d’être découvertes ou redécouvertes. Giovanni Bottesini est le compositeur qui a le plus écrit pour mon instrument et il tient de ce fait une place bien particulière dans ma vie musicale. Il me tenait à cœur d’enregistrer sa musique en me basant sur ses manuscrits -et non sur les éditions existantes- pour aller au plus près de sa volonté musicale. C’est aussi pour cette raison que j’ai pris la décision de modifier ma basse et d’y faire poser trois cordes au lieu des quatre habituelles, un accord que Giovanni Bottesini a utilisé toute sa vie et dont il vantait les avantages au regard de la résonance de l’instrument.

Quelle est la particularité de ces partitions dans le Répertoire pour contrebasse ? 

Giovanni Bottesini est un compositeur italien du 19e siècle qui a eu un succès immense à son époque et qui a voyagé de par le monde en tant que contrebassiste et chef d'orchestre. On retrouve donc dans ses oeuvres le charme, le bel canto et la virtuosité de la grande époque de l'opéra italien. Il a créé un tout nouveau répertoire pour son instrument, un jeu encore inédit, en grand virtuose qu'il était.

Comment s'est déroulée la collaboration musicale avec le Brussels Philharmonic et le chef d'orchestre Joshua Weilerstein ?

Extrêmement sympathique ! C’est la première fois que je joue en soliste avec un orchestre belge, quel plaisir d’être à la maison ! Nous avions échangé avec Joshua Weilerstein nos idées musicales avant l’enregistrement et la communication entre nous a été très facile. C’est toujours agréable de travailler avec un chef qui respecte les vues du soliste tout en apportant sa touche personnelle dans son travail avec l’orchestre.

Le répertoire de concert pour la contrebasse n'est pas si vaste. Nous connaissons quelques œuvres comme le Concerto de Koussevitsky que vous avez dû jouer à plusieurs reprises... ? 

Bien sûr, notre répertoire n'est pas aussi fourni que celui du violon. Mais la contrebasse était par exemple très à la mode à Vienne entre 1750 et 1800 ; pas moins d'une quarantaine de concerti et de pièces concertantes ont été composées pendant ces années. Sans oublier que les compositeurs d'aujourd'hui nous offrent une littérature intéressante ! Il me reste donc encore beaucoup de pièces à découvrir… Les concerti de Bottesini, Vanhal et Rota sont, en toute franchise, les concerti que j’ai joué le plus en tant que soliste. Mais chaque concert, chaque orchestre, chaque chef est différent et il y a toujours quelque chose à découvrir musicalement ou même techniquement, ce qui ne laisse jamais place à l’ennui !

Aujourd'hui, les musiciens belges sont de plus en plus nombreux dans les grands orchestres européens. Ne seriez-vous pas tenté de créer un orchestre mondial des Belges semblable à ce qui existe en Australie avec l'Australian World Orchestra qui réunit chaque été les musiciens australiens des grands orchestres ? 

(Rire) L'Australie est un grand pays, une île éloignée du reste du monde, à la différence de la Belgique, au centre de l'Europe. Nous profitons d'échanges culturels et musicaux enrichissants et y participons grandement. C'est bien sûr très sympathique de se retrouver entre Belges pour partager de beaux moments musicaux. Nous sommes déjà nombreux dans les orchestres à l'étranger (j'ai à Munich une collègue qui vient de Wallonie et qui a aussi étudié à Berlin et travaillé à Paris) mais la nationalité n'a dans notre monde pas tant d'importance. C'est justement la beauté de la musique et de l'art en général de ne pas connaître de frontières. 

Le site de Wies de Boevé : www.wiesdeboeve.com

A écouter : Giovanni Bottesini : Concerto pour contrebasse, Grande allegro di concerto, Gran concerto pour contrebasse, Gran duo concertante pour violon et contrebasse.  Wies de Boevé, contrebasse ; Yossif Ivanov, violon, Brussels Philharmonic, Joshua Weilerstein. 1 CD Warner

Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot 

Crédits photographiques : Julia Müller

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