A Genève, un Philharmonique de Stockholm éblouissant

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Pour trois concerts à Zürich, Genève et Lucerne, le Service Culturel Migros invite l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm sous la direction de son chef attitré, Sakari Oramo.

Comme clin d’œil au public helvétique, le programme débute par une page d’un Zürichois, Rolf Liebermann qui, selon l’adage « Nul n’est prophète en son pays », a fait sa carrière de directeur de théâtre à Hambourg et à Paris. Son Furioso, écrit en 1945, créé par Hermann Scherchen deux ans plus tard puis présenté avec succès au Séminaire de Musique Contemporaine de Darmstadt, est proprement effarant. En huit minutes, le piano donne la cadence en martelant avec véhémence une envolée virtuose du tutti scandée par des motifs « jazzy », avant que ne se développe une section lyrique où la flûte dialogue avec le cor anglais ; et c’est la reprise des divers thèmes qui amènera une brillante conclusion.

Puis Intervient le clarinettiste suédois Martin Fröst, ahurissant interprète du célèbre Concerto en la majeur K.622 de Mozart. Sakari Oramo a la judicieuse idée de ne constituer la texture qu’avec vingt-deux cordes (dont six premiers violons, quatre violoncelles et deux contrebasses) ; continuellement, le soliste lui prête l’oreille pour ciseler de fines nuances dans un discours d’esprit chambriste. Le sublime Adagio est dessiné par une ligne suave jusque dans la tessiture grave, avant de conclure par un Rondò pimpant, jouant des contrastes de phrasé. En bis, le soliste, ovationné, et les cordes proposent une page de musique klezmer dont la virtuosité ébouriffante évoque autant la mélopée d’un charmeur de serpent que l’éveil du Sacre du Printemps.

En seconde partie, l’Orchestre Royal au grand complet fait valoir la qualité de ses pupitres, notamment les cuivres, dans la Première Symphonie en ré majeur dite ‘Titan’ de Gustav Mahler. Dans un pianissimo presque imperceptible, la nature s’éveille avec une clarinette volubile suscitant, en coulisse, les sonneries de trompettes tandis que, sans pathos outrancier, les violoncelles chantent un motif gaillard provenant des Lieder eines fahrenden Gesellen que les premiers violons voileront de mélancolie. Et il faudra attendre les entrées rapprochées de fanfares pour que la péroraison trouve une certaine brillance. Le deuxième mouvement aux arêtes vigoureuses devient un impétueux ländler dont le trio libérera la raillerie malicieuse, tandis que le Feierlich und gemessen prend une tournure sardonique, apaisée par l’épisode central, avant que la bastringue ne reprenne ses droits. Et le Stürmisch bewegt du Finale confine au cataclysme avec ses cuivres péremptoires et ses cordes douloureuses dont feront table rase les sept cors, debout, imposant une péroraison triomphaliste. En bis, la formation rutile dans une marche de fête en forme de polonaise d’Hugo Alfven. Délire dans la salle !

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 21 mars 2019

Crédits photographiques : Benjamin Ealovega

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