Mots-clé : Najmiddin Mavlyanov

La Dame de Pique  et Adriana Lecouvreur à La Scala de Milan

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Quel théâtre en Europe peut-il afficher, durant un week-end, Adriana Lecouvreur le samedi soir et La Dame de Pique  le dimanche en matinée ? C’est donc  la gageure que relève fréquemment la Scala de Milan. Indépendamment  des productions, il faut  en évoquer une constante, la qualité irréprochable de l’orchestre et du chœur.

Depuis l’après-guerre, Adriana Lecouvreur a été représentée trois fois entre septembre 1948 et juillet 1958 en confiant le rôle-titre à Mafalda Favero, Renata Tebaldi, Clara Petrella et Magda Olivero. Puis pendant trente ans, l’ouvrage a été laissé de côté. Et il a fallu attendre le 30 mai 1989 pour le voir réapparaître dans une nouvelle production de Lamberto Puggelli qui a eu pour interprètes majeures Mirella Freni et Daniela Dessì jusqu’à la fin avril 2007. Quinze ans plus tard, Dominique Meyer, l’actuel surintendant, présente la mise en scène de David McVicar qu’il a coproduit avec le Royal Opera House Covent Garden, le Liceu de Barcelone, la Staatsoper de Vienne, l’Opéra National de Paris et le San Francisco Opera ; et ce spectacle a déjà été  immortalisé  par un DVD réalisé lors des représentations londoniennes avec Angela Gheorghiu et Jonas Kaufmann. 

Il suffit de quelques lignes pour en remarquer l’intelligente conception dans un magnifique décor de Charles Edwards nous montrant l’envers du plateau de la Comédie-Française et la fourmilière des coulisses. Sa structure amovible servira ensuite de porte d’accès au Pavillon de la Grange-Batelière puis dominera la salle des fêtes du Palais Bouillon avant de revenir à sa position initiale, près de laquelle sera dressée une paillasse de fortune permettant à l’héroïne de s’isoler du monde extérieur. Sous d’habiles jeux de lumière conçus par Adam Silverman et repris par Marco Filibeck, les somptueux costumes de Brigitte Reiffenstuel jouent sur les brocards sombres de l’aristocratie contrastant avec les tenues pastel  d’Adriana et la bigarrure des vêtements de scène. Le côté nunuche du divertissement de l’acte III fait sourire par sa chorégraphie compassée (imaginée par Andrew George) qui passe totalement inaperçue. Et la régie de David McVicar déroule avec une rare lisibilité une intrigue enchevêtrée par les quiproquos et les faux-semblants. 

À Genève, un magnifique chef pour Aida   

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Pour le deuxième spectacle de sa saison, le Grand-Théâtre de Genève affiche Aida, un ouvrage que l’on n’a pas revu sur cette scène depuis vingt ans, c’est-à-dire depuis la pitoyable production de Francesca Zambello en décembre 1999. Aujourd’hui, le nouveau directeur de la maison, Aviel Cahn, opte pour celle que le Britannique Phelim McDermott avait conçue pour l’English National Opera en octobre 2017 avec les décors de Tom Pye, les costumes de Kevin Pollard et la chorégraphie de Basil Twist ; et ici, sous de nouveaux éclairages dus à Simon Trottet, la mise en scène est reprise par Joe Austin.

Macbeth à Anvers : Bruit et fureur, sang ; un bonheur

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« Une histoire pleine de bruit et de fureur », telle est bien, pour reprendre la citation de Shakespeare, celle de son héros Macbeth ; telle est bien celle que nous raconte Michael Thalheimer, le metteur en scène de l’opéra de Verdi. Une histoire qui ne peut être que sanglante.

Au soir d’une bataille, Macbeth a rencontré des sorcières lui prédisant un avenir royal. Encore faudra-t-il pour cela se débarrasser des « obstacles ». Poussé par sa femme, Lady Macbeth, il commet les meurtres nécessaires, jusqu’à ce que se réalise une autre des prédictions : sa punition, sa mise à mort, « le jour où la forêt de Birnam se mettra en marche, et par un homme "qui ne sera pas né d’une femme" ».

Sur le plateau, quasi toujours dans une obscurité à la luminosité travaillée, nous apparaît comme une sorte de cuvette, d’étang vidé. Y tomber, c’est, glissant encore et encore, ne plus pouvoir en ressortir. Le lieu devient enfermement fatal, huis clos de tragédie. Une métaphore s’impose à nous, celle qui est déclinée en plusieurs photos dans la brochure de soirée, celle d’un tourbillon s’ouvrant au milieu d’un fleuve : malheur à vous si vous y êtes happé, il vous engloutira inexorablement. Ainsi les Macbeth.