Macbeth à Anvers : Bruit et fureur, sang ; un bonheur

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« Une histoire pleine de bruit et de fureur », telle est bien, pour reprendre la citation de Shakespeare, celle de son héros Macbeth ; telle est bien celle que nous raconte Michael Thalheimer, le metteur en scène de l’opéra de Verdi. Une histoire qui ne peut être que sanglante.

Au soir d’une bataille, Macbeth a rencontré des sorcières lui prédisant un avenir royal. Encore faudra-t-il pour cela se débarrasser des « obstacles ». Poussé par sa femme, Lady Macbeth, il commet les meurtres nécessaires, jusqu’à ce que se réalise une autre des prédictions : sa punition, sa mise à mort, « le jour où la forêt de Birnam se mettra en marche, et par un homme "qui ne sera pas né d’une femme" ».

Sur le plateau, quasi toujours dans une obscurité à la luminosité travaillée, nous apparaît comme une sorte de cuvette, d’étang vidé. Y tomber, c’est, glissant encore et encore, ne plus pouvoir en ressortir. Le lieu devient enfermement fatal, huis clos de tragédie. Une métaphore s’impose à nous, celle qui est déclinée en plusieurs photos dans la brochure de soirée, celle d’un tourbillon s’ouvrant au milieu d’un fleuve : malheur à vous si vous y êtes happé, il vous engloutira inexorablement. Ainsi les Macbeth.

Les images sont fortes : apparitions de Macbeth et Lady Macbeth en proie au délire du pouvoir, obsédés par les images épouvantables de leurs forfaits, basculant dans la folie ; corps ensanglantés, bacchanale des sorcières, branches de la forêt en marche. Elles donnent à voir, elles donnent à ressentir ce que disent les mots.

C’est le meilleur « écrin » pour que la partition de Verdi, elle-même à l’exacte (dé)mesure de Shakespeare, puisse se déployer, dans toute sa richesse, dans tous ses effets, Paolo Carignani obtenant de l’Orchestre Symphonique de l’Opéra des Flandres qu’il donne à entendre, qu’il donne à ressentir ce que disent les mots.

Quant aux solistes, Craig Colclough en Macbeth et Marina Prudenskaya en Lady Macbeth, ainsi « mis en scène », quelle force dans leur chant, quelle présence dans leur jeu. Elle surtout, habitée, hantée, dévastée. Lui davantage emporté, balayé. D’autant plus que le dispositif scénographique intensifie la projection de leur chant, qui nous submerge dans ses élans, ses mortelles décisions, ses peurs, ses ressassements. Bruit, fureur…

A leurs côtés, Tareq Nazmi et Najmiddin Mavlyanov imposent leurs Banco et Macduff. Et il convient de saluer tout particulièrement la façon dont le Chœur de l’Opéra des Flandres s’impose comme un partenaire à part égale dans cette superbe production. Pour lui aussi, quelle force, quelle présence !

Du bruit, de la fureur, du sang : de quoi éprouver ce bonheur paradoxal qui nous fait nous réjouir de la représentation réussie d’une tragédie !

Stéphane Gilbart

Crédits photographiques :  Annemie Augustijns / Opera Ballet Vlaanderen

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