The New Baroque Times Voices

par

de Victoria : O vos omnes, de Morales : Circumdederunt me, Comes : Exsurge Joseph, Monteverdi : Il lamento d' Arianna, Kodaly : Szekely keserves, Akik mindig elkesnek, Elso aldozas, Turot eszik a cigany
Mariana Castello-Branco (soprano), Estelle Lefort (soprano), Alain Gahima (contreténor), Stéphane Robert (ténor), Jean-Guy Devienne (basse), Flora Gaudin et Ivan Schauvliege (danse), The new baroque times voices dirigé par Diego Borello
C'est un beau voyage dans le temps et dans l'Europe que nous a offert l'ensemble "The New Baroque Times Voices" samedi dernier dans cette belle Eglise de Saint-Jean Berchmans. De Morales à Kodaly en passant par Monteverdi, ce jeune ensemble vocal a capella noua a, pour ce premier concert, montré toute l'étendue de son talent. Il est malheureusement trop rare d'entendre à Bruxelles de vrais choeurs professionnels a capella fouiller ce répertoire. Mais c'est désormais chose faite ! Cet ensemble est attaché à "The New baroque Times", groupe de musiciens ré-explorant le répertoire baroque en adoptant les techniques de jeu de l'époque et ouvert à tout types de formations. Le concert a débuté avec des oeuvres de trois compositeurs espagnols emblématiques de la musique sacrée en Espagne au XVIème siècle. Autant le dire tout de suite, ce jeune choeur a toutes les qualités d'un grand choeur mature et riche d'expérience : précision des attaques, couleurs subtiles et contrastées, nuances homogènes, fusion des voix réalisant une masse sonore compacte mais malléable. Insistons sur le côté "malléable" ; cela grâce à l'habile direction de Diego Borello qui a su jouer avec l'acoustique résonnante de l'Eglise. Mais, par un subtile dosage des nuances et des silences, le choeur n'a cessé de rester clair dans les lignes mélodiques, harmoniques, et surtout dans les prononciations du latin et du hongrois (langue réputée très difficile). En seulement trois pièces, cet ensemble s'est d'emblée imposé comme un choeur solide, uni et habitué de la scène. Durant le fameux Lamento de Monteverdi chanté derrière le public, deux danseurs ont improvisé une chorégraphie devant l'autel. Mêler la danse contemporaine à un concert a capella peut paraître incongru voire incohérent, mais penser de la sorte serait faire preuve de fermeture sur les convergences entre les arts du passé et ceux d'aujourd'hui. Il est même, d'un certain point de vue, très logique d'avoir mêlé la danse à cette oeuvre qui aurait dû être la scène centrale du deuxième opéra de Monteverdi mais, malheureusement, mis à part ce Lamento, tout le reste fut perdu. C'est donc une sorte d'hommage-reconstitution d'avoir demandé à deux danseurs d'improviser sur cette musique. Un homme et une femme dans le noir complet et qui se cherchent ; Arianna esseulée et attachée par les cheveux pleurant Thésée. Belle mise en scène soutenue par la merveilleuse musique de Monteverdi, intemporelle, car même en "fond" sur de la danse contemporaine, elle ne perd ni de son caractère et ni de sa force ; bien au contraire. Le concert s'est terminé sur quatre pièces d'un des grands compositeurs de musique chorale du vingtième siècle : Kodaly. Les choeurs lui doivent beaucoup. A l'écoute de ces pièces on se demande l'espace d'un instant pourquoi ce compositeur n'est pas plus connu et joué car durant quelques minutes nous nous retrouvons en pleine Puszta, la steppe hongroise. Par ses harmonies, ses intonations, ses mélodies et sa rythmique, la musique de Kodaly est un hommage à la musique traditionnelle folklorique hongroise. Kodaly est parfois plus fidèle au folklore hongrois que Bartok qui s'en sert pour se découvrir esthétiquement. Bartok se sert du folklore tandis que Kodaly le sert. À aucun moment on ne ressent ces grincements de la terre et cette sauvagerie violente que l'on retrouve bien souvent chez Bartok quand il puise dans le folklore. Encore une fois le "New Baroque Times Voices" s'est montré attentif à cette musique calme, méditative et d'une grande puissance émotionnelle. Cet ensemble s'est montré tant à son aise qu'il nous a donné l'impression d'une complicité acquise après des années de concerts. Non, c'était leur premier concert et on ne peut que leur souhaiter bonne chance pour la suite.
François Mardirossian
Bruxelles, Eglise Saint-Jean Berchmans, le 14 décembre 2013

 

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