The Sixteen et la magie de Purcell
Henry Purcell (1659-1695) et Daniel Purcell (1664-1717) : The Indian Queen
Julie Cooper, soprano ; Kirsty Hopkins, soprano ; Jeremy Budd, ténor ; Mark Dobbel, ténor ; Matthew Long, ténor ; Ben Davies, basse ; Eamonn Dougan, basse ; Stuart Young, basse ; The Sixteen, dir. Harry Christophers
2015 – DDD – 72'27'' – Textes de présentation et livret en anglais – Chanté en anglais – Coro COR16129
The Indian Queen est le dernier d'une série de semi-opéras commandés à Henry Purcell par la United Company, compagnie théâtrale disposant d'un monopole dans la ville de Londres. Les précédents s'intitulaient King Arthur, The Fairy Queen... Le passionnant livret qui accompagne ce disque, malheureusement pas traduit en français, retrace l'histoire haute en couleurs du testament musical de Purcell. En effet, ce dernier eut tout juste le temps d'achever la partition de The Indian Queen avant sa mort, survenue en 1695. La fin tragique qu'il proposait n'était cependant pas du goût du public londonien d'alors. Aussi la reprise de l'oeuvre l'année suivante fut-elle l'occasion d'un compromis : après un duel, un meurtre et un suicide sur scène, les corps sanguinolants furent discrètement traînés en coulisses tandis que le choeur célèbrait le mariage des deux survivants avec force réjouissances. La musique de cette apothéose incongrue, intitulée Masque de l'hymen, fut commandée au frère du défunt Henry Purcell, Daniel. On n'y trouve certe pas la même richesse d'invention que dans l'opéra qui précède, mais ce divertissement de belle facture méritait néanmoins d'être enregistré. L'impression de « collage » qui en résulte n'est d'ailleurs pas gênante, car, toute la musique étant destinée à ponctuer une action théâtrale (c'est là la principe même d'un semi-opéra), les airs et symphonies écrites par Henry Purcell n'ont pas nécessairement de liens les uns avec les autres. Sous peine que l'enregistrement ne dure quatre heures, les passages parlés ont été supprimés, et les numéros s'enchaînent donc sans transition. Il est de toute façon inutile de saisir les tenants et les aboutissants de la tragédie d'origine pour comprendre si belle musique. Côté distribution vocale, on est proche de l'idéal. Les chanteurs, tous anglais, sont en outre les membres du choeur « The Sixteen » : leur diction est limpide, leur rapport à l'orchestre, excellent. Le couple d'amants du premier acte, Kirsty Hopkins et Jeremy Budd, se distinguent particulièrement par leur ligne exceptionnelle et la pureté de leurs timbres. Quant à l'orchestre, il fait preuve d'une grande richesse d'affects – au risque parfois de se perdre dans les détails, mais avec une élégance constante. On y trouve à la fois la variété de couleurs propre l'orchestration de Purcell – et largement soutenue par un continuo aux effectifs judicieusemment choisis – et l'entrelacs contrapuntique des lignes mélodiques, mis en relief par une interprétation équilibrée. Cette Indian Queen est donc une réussite propre à toucher chacun – et pas seulement les amateurs de musique ancienne !
Quentin Mourier
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 9