A l’OSR, un chef invité remarquable, Kazushi Ono  

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Pour sa série ‘Appassionato’, l’Orchestre de la Suisse Romande invite le chef japonais Kazushi Ono que l’on a souvent applaudi à l’Opéra de Lyon et qui est actuellement le directeur musical du Tokyo Metropolitan Symphony Orchestra et de l’Orchestre Symphonique de Barcelone, tout en assumant la responsabilité artistique du Théâtre National de Tokyo.

A Genève, son programme débute par l’Akademische Festouvertüre op.80 que Brahms avait écrite en 1879 à l’intention de l’Université de Philosophie de Breslau qui l’avait nommé Docteur Honoris causa. En sollicitant largement les cordes graves, le chef lui instille d’emblée un brin d’humour avec un basson gouailleur qui s’immisce dans un tutti emphatique ; puis un presto brillant cite des bribes de chansons estudiantines culminant sur un ‘Gaudeamus igitur’ jubilatoire. 

Intervient ensuite la pianiste Elisabeth Leonskaya, interprète d’une page célèbre du répertoire, le Quatrième Concerto en sol majeur op.58 de Beethoven. Fait si rare à notre époque, elle bénéficie de l’art d’accompagner de Kazushi Ono qui a réduit l’effectif de cordes à vingt pupitres et tisse ainsi un canevas souple qui permet à la soliste d’imposer un jeu clair à la ligne superbe, ponctuant de basses sonores un rubato d’une extrême liberté émaillé de trilles scintillants. Ces mêmes trilles prendront une consistance mélodique au terme d’un Andante con moto dont la progression nimbe l’intimisme douloureux d’une lueur d’espoir. Et le Rondò vivace devient ici capriccioso par ce ritenuto sur le motif initial qui amène nonchalamment le dialogue du piano avec les différents pupitres avant d’aboutir à une coda brillante. En bis, Elisabeth Leonskaya offre à un public conquis une autre page de Beethoven, un magnifique Allegretto de la Sonate en ré mineur op.31 n.2 dite La Tempête.

En seconde partie, Kazushi Ono propose l’une des grandes symphonies de Dvorak, la Septième en ré mineur op.70, injustement moins connue que les deux dernières (op.88 et 95). D’emblée, l’Allegro maestoso impressionne par sa sombre grandeur qu’il échafaude avec une énergie que tempéreront le cor et les bois ; flûtes, clarinettes et violons développent ensuite un cantabile serein que le développement émaillera de coloris contrastés. Puis ces oppositions se propageront dans le Poco adagio, baignant dans la nostalgie crépusculaire avant de déployer en éventail les lignes de force corsées d’inflexions pathétiques. Similairement, le Scherzo semble d’abord d’une sérénité enjouée, troublée par d’impulsifs accents, alors que le Trio recherche sa veine mélodique dans des segments épars. Et le Finale se pare ici d’une théâtralité toute tzigane emportée par une indomptable vitalité. Face à l’enthousiasme du public, l’on ne peut qu’espérer un prompt retour de ce chef à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande !        

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 12 février 2020

Crédit photographique : © Johan Jacobs

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