Un Chevalier presque parfait

par

Richard STRAUSS
(1864-1949)
Der Rosenkavalier

Renée FLEMING (la Maréchale), Sophie KOCH (Oktavian), Diana DAMRAU (Sofie), Franz HAWLATA (Baron Ochs), Franz GRUNDHEBER (Faninal), Jonas KAUFMANN (le chanteur), solistes, Philharmonia Chor Wien, Münchner Philharmoniker, dir.: Christian THIELEMANN
2011-DDD-3h 23’ 30’’-Textes de présentation en anglais, français et allemand-chanté en allemand-3 CD Decca 478 1507

Dès les premières notes du torride prélude, on sait à quoi s’en tenir : la machine Thielemann est en marche. Tout est au point pour une production impeccable. Valse du chocolat, Fleming triomphante, Koch finaude, Quinquin et Bichette affrontent un Ochs digne et pas vulgaire pour un sou, Jonas Kaufmann chante son air en élève un peu appliqué de Pavarotti, tout roule, fluide et évident. Le Monologue de la Maréchale est lent, très lent, et vire vers le tragique. A l’acte II, la fébrilité du “erster Tag, grosser Tag” est bien rendue malgré un Faninal un peu court. La « Présentation de la rose » est grandiloquente. Les dialogues suivants languissent assez, même si la voix de Diana Damrau se marie parfaitement avec celles de Fleming et de Koch. L’ennui guette parfois. Heureusement, la bagarre avec choeurs est bien enlevée, et Hawlata termine l’acte avec de beaux graves impressionnants. Pantomime initiale du III à nouveau brillante, mais les longues scènes du Baron fatiguent un peu, et la réapparition de sa Valse est fort plate, à grand renfort de grosse caisse. Faute de goût, ici. La très jolie réapparition de la Maréchale faisait pourtant espérer plus de délicatesse. Celle-ci revient lors du magistral trio final, pris dans un tempo archi lent, frisant à nouveau le drame. Quelle puissance : que diable, on n’est pas dans Tristan tout de même ! Mais la magie des voix, pur enchantement esthétique, emporte l’adhésion. Et le mythique “Ja, ja” de Fleming est parfait, tout comme la pirouette virevoltante du petit Mohammed. Que conclure ? Très simplement : on est passé tout près de la perfection. La direction hésitante de Thielemann, tantôt raffinée à l’extrême, tantôt grossière ou surpuissante, empêche de hisser cette nouvelle version au pinacle de la discographie, malgré l’immense qualité vocale du plateau. La vraie perfection exige un équilibre total, celui que l’on trouvera dans les diverses versions de Carlos Kleiber ou dans celles, plus anciennes, de Clemens Krauss, de Karajan et de Solti. Dommage pour les trois chanteuses, reines absolues de cet album. Une machine, si rutilante soit-elle, peut se gripper.
Bruno Peeters

Son 10 - Livret 9 - Répertoire 10 - Interprétation 9

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