Une Abigaille pour sauver la production de Nabucco au Grand-Théâtre de Genève

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O combien le ‘Regietheater’ s’essouffle ! Est-il nécessaire que les Hébreux de la Bible revêtent les tenues d’un Rabbi Jacob au pied du Mur des Lamentations, que Nabuchodonosor arrive en jeep avec lunettes noires et uniforme d’un chef de junte militaire, que la pauvre Abigaille doive se lover dans une gigantesque boîte à chaussures pour trier ses classeurs fédéraux et que le peuple assyrien ait tunique jaune et pantalon noir, comme s’il s’était échappé de la dernière production de ‘Turandot’ ! De la production de Roland Aeschlimann, l’on ne retiendra qu’une seule belle image, un « Va pensiero » dans les bleus sombres d’un triangle humain juché sur un gigantesque escalier. A la tête des Chœurs du Grand-Théâtre de Genève et de l’Orchestre de la Suisse Romande, John Fiore qui a donné, il y quatre ans, une lecture mémorable de ‘Parsifal’, retrouve les mêmes sommets, en n’exagérant jamais les dynamiques, de manière à créer la continuité narrative et à permettre aux sections chorales la fluidité de ses nombreuses interventions. Sur scène, l’on ne voit que l’Abigaille de Csilla Boross qui possède la grande voix de soprano dramatique aux arêtes tranchantes, se jouant des écarts de tessiture et maîtrisant les ‘passaggi’ de coloratura dans un rôle aussi massacrant qu’impossible ! Le jeune Leonardo Capalbo campe un Ismaele au timbre clair sans en avoir la consistance dramatique, tandis que lui fait face le mezzo Ahlima Mhamdi qui réussit à faire exister le personnage sacrifié de Fenena. Le Nabucco de Lucio Gallo exhibe un timbre corsé ; mais les problèmes techniques rendent l’émission difficile et la justesse, chancelante dans un rôle qu’il ne suffit pas de jouer. Et l’on conseillera à Roberto Scandiuzzi, qui a une longue carrière derrière lui, de se retirer, tant son Zaccaria nous fait de la peine !
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 28 février 2014

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