Un chef et un Hagen d’exception pour ‘Le Crépuscule des Dieux’ à Genève

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Sur la scène genevoise s’achève magistralement la ‘Tétralogie’ dirigée par Ingo Metzmacher et mise en scène par Dieter Dorn et Jürgen Rose. La première raison en est le chef Ingo Metzmacher, à la tête des Chœurs du Grand-Théâtre de Genève et de l’Orchestre de la Suisse Romande, pétrissant infatigablement la matière en fusion du ‘Crépuscule des Dieux’ et lui donnant une dynamique qui tient le spectateur en haleine depuis le prologue jusqu’aux dernières mesures de ce très long ouvrage ; s’estompent ainsi les trop nombreux ‘tunnels’ qui en plombent l’action. Le second motif est la présence de la basse américaine Jeremy Milner qui, en dépit de sa jeunesse, a naturellement la noirceur du satanique Hagen en s’inscrivant dans la lignée des Gottlob Frick, des Josef Greindl d’antan : avec un rare aplomb et une facilité d’émission invraisemblable, il négocie l’appel des vassaux ou le trio de l’acte II, sans donner l’impression de forcer ses moyens. En cette dernière incarnation de Brünnhilde, Petra Lang décèle la plus adéquate à sa morphologie vocale, en passant aisément de l’expansion radieuse de sa scène d’entrée à l’indomptable détermination de l’immolation. Comme précédemment, le Siegfried de John Daszak peine d’abord à trouver une certaine assise, avant de darder ses aigus avec l’apparente ingénuité qui caractérise sa composition. Johannes Martin Kränzle est un Gunther convaincant, tant par sa volonté de faire valoir son hégémonie que dans sa prostration après la chute. En Gutrune, Edith Haller en est la réplique conforme, ce que suggère le rôle. A Michelle Breedt, manque le grain corsé et la ligne de chant qui pourrait en faire une Waltraute plausible, tandis que John Lundgren est toujours un Alberich d’indéniable force. Les trois Nornes (Eva Vogel, Diana Axentii, Julienne Walker) sont aussi adéquates que Polina Pasztircsak, Stephanie Lauricella et Laura Nykänen en Filles du Rhin. Quant à la mise en scène de Dieter Dorn, aux décors et costumes de Jürgen Rose, l’on renoue avec cette esthétique du dépouillement, quitte à transformer en boîte à chaussure le palais des Gibichungen.
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, le 23 avril

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