Une Peri peu investie

par

Robert SCHUMANN (1810 - 1856)
Das Paradies und die Peri op. 50
Oratorio pour solistes, choeur et orchestre en trois parties
Sally Matthews (soprano, La Peri), Mark Padmore (ténor, le narrateur), Kate Royal (soprano, le jeune fille, quatuor vocal), Bernarda Fink (alto, l'Ange, quatuor vocal), Andrew Stapels (ténor, le jeune homme, quatuor vocal), Florian Boesch (basse, Gazna, l'homme, quatuor vocal), solistes de la Guildhall School, London Symphony Chorus, dir.: Simon Halsey, London Symphony Orchestra, dir.: Sir Simon Rattle
2015-SACD et Blu-ray-88'03''-Textes de présentation en anglais, français, allemand-Textes chantés en allemand traduits en français-LSO Live LSO0782 

Chaque parution discographique du Paradis et la Peri de Robert Schumann est attendue car rares sont les chefs qui s'attachent à révéler un des chefs-d'oeuvres du compositeur. Lui-même disait: "C'est la plus grande oeuvre que j'aie jamais entreprise". On est en 1843; pendant trois années, Schumann s'était principalement consacré aux lieder, à ses trois quatuors op. 41 et à ses premières oeuvres symphoniques; il aspirait à créer un genre nouveau dont témoigne cet "oratorio", suite ininterrompue de lieder sous forme d'ariosos, choeurs et ensembles s'enchaînant librement pour créer cette "durchkomponiert", composition ininterrompue déjà esquissée par Schubert dans son Erlkönig et tant recherchée au même moment par Wagner.
Le livret est tiré de Lalla Rookh, un roman oriental de l'Irlandais Thomas Moore dans lequel le conteur Feramorz distrait la fille de l'empereur en lui récitant quatre poèmes, dont Le Paradis et la Peri sur le thème de la Rédemption chère au romantisme. La Peri, génie de la cosmogonie iranienne, a été chassée du Paradis. Pour obtenir le pardon, elle doit offrir au Ciel le "don le plus précieux". Elle quitte les portes de l'Eden, exhale sa peine des beautés perdues, et s'envole à tire d'aile vers les Indes fabuleuses, l'Egypte et le Nil "dont personne n'a jamais vu la source", la Syrie, le Liban, la Palestine, le temple de Baalbeck, pour ramener le sang d'un guerrier tombé pour sa patrie, le dernier soupir d'une vierge, et, finalement, les larmes d'un brigand qui a renoncé à s'attaquer à l'enfant qui prie, des larmes qui lui ouvriront finalement à nouveau les portes du Ciel.
A travers toutes ces pages, on sent la jubilation de Schumann à investir ce monde des Mille et une Nuits : une orchestration minutieusement colorées de cors, de trompettes, de petites flûtes, une ivresse du chant, une incroyable variété des ensembles, les envolées des voix solistes -ils sont sept ! Et c'est ici que l'on est déçu... Que se passe-t-il ? Sir Simon ne semble pas transporté par l'oeuvre dont il gomme les contrastes, détaille peu les couleurs. Il faudra attendre la scène finale pour le sentir transporté dans la spirale de lumière. Sally Matthews ne maîtrise pas les envolées vocales tant exaltantes de la Peri, n'est ni triste, ni heureuse,... elle chante. La diction des ensembles -dont se détachent toutefois les solistes de la Guildhall- laisse franchement à désirer et là où, sur la partition, les divers épisodes s'enchevêtrent, se moulent l'un à l'autre, on entend surtout le souci du travail bien fait. Où est donc l'ivresse ? Dommage... On retournera à l'enregistrement de Henryk Czyz chez EMI (2003) dirigeant l'Orchestre Symphonique de Dusseldorf avec une fabuleuse Peri de Edda Moser, Brigitte Fassbaender et Nicolas Gedda.
Notons que le coffret propose deux CD: le premier selon la technique SACD hybrid discs, le second Pure Audio Blue-ray disc. Notre écoute a été faite sur le SACD.
Bernadette Beyne

Son 10 - Livret 7 - Répertoire 10 - Interprétation 6

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