Vendredi 13 pour EunAe Lee et le récital d'Alexander Beyer très attendu à Flagey

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C'est la pianiste ukrainienne Dinara Klinton qui a ouvert le bal ce vendredi après-midi devant sa Majesté la Reine Mathilde. Accompagnée de l'Orchestre de Chambre de Wallonie, elle a interprété le concerto de Mozart KV 503, en do majeur.

Dinara Klinton
Dinara Klinton

Sa prestation est sérieuse mais elle ne décolle pas. Tout est propre et très appliqué mais cela manque malheureusement d'originalité. Elle propose un jeu articulé et très perlé mais qui manque de contrastes et de couleurs. Elle manque aussi de complicité avec l'orchestre en restant très concentrée sur son clavier. Son jeu sans surprise est uniforme et ses attaques sont juste avant l'orchestre. Il faut dire aussi que celui-ci ne l'aide pas toujours. Le pupitre des cors est particulièrement décevant. Le son n'est pas beau et souffre de problème de justesse. Est-ce bien à la hauteur de la réputation d'un tel événement ? Le directeur musical assis à la table du jury appréciera.

Larry Weng
Larry Weng

Larry Weng, l'Américain aux origines chinoises, lui succède sur le podium. C'est celui-là même qui s'est distingué dans les Miroirs de Ravel. Il joue le célébrissime 21e Concerto. Sa prestation est convaincante. Il contraste avec l'Ukrainienne dès les premières notes par la profondeur de son toucher. Son jeu est coloré et il dialogue avec l'orchestre qui joue mieux. La sonorité du second mouvement est pénétrante et lyrique. Le troisième mouvement est tout aussi réussi. A la fois brillant et chanté. Le public est d'ailleurs bien plus enthousiaste. Larry Weng a ses chances de s'inviter dans les douze.

 

EunAe Lee
EunAe Lee

Après les deux concertos, voici les deux récitals. EunAE Lee propose, outre Tears of Light, les sonates de Domenico Scarlatti K 426 et K 435, la Sonate op.110 de Beethoven et la Rhapsodie Hongroise n°12 de Liszt. Sa prestation est remarquable. Elle maîtrise le redoutable op.110 du maître de Bonn. La sonorité est maîtrisée et magnifique. L'oeuvre est bien construite. Avant cela, elle nous avait proposé deux Scarlatti séducteurs et très inspirés. Tears of Light fut par contre moins convaincant. Un peu dur parfois, on n'a pas toujours senti la sensualité et le sens mélodique voulu par Fiorini. Elle termine son récital avec Liszt. Alors que tout se passe bien, elle semble tout à coup s'épuiser ou se déconcentrer à l'approche de la ligne d'arrivée. Octaves ratées, elle tente de se reprendre mais elle enchaîne les imprécisions. Quel dommage pour cette belle pianiste…

Alexander Beyer
Alexander Beyer

Dans tout concours qui se respecte, le public a ses chouchous. Alexander Beyer en est un. Il était visiblement attendu au studio 4. Tears of Light est joué de mémoire et très réussi. Chantant, contrasté, coloré. Il exploite la sonorité de l'instrument dans tous ses extrêmes. Il s'attaque également aux Variations Héroïques op. 35 de Beethoven. L'oeuvre est redoutable. Tant d'un point de vue technique que du point de vue de la dramaturgie. Le choix est risqué car on peut vite perdre son auditoire au fil de ces variations. Le pianiste américain répond aux attentes et il se montre à la hauteur. Son toucher est raffiné et diversifié. L'oeuvre est très bien construite et séduit le public qui ne peut retenir ses premiers applaudissements. Un public qui sera comblé quelques minutes plus tard par la brillante Valse de Ravel. Beyer étale encore ses qualités, techniques et musicales mais aussi humaines. Il est entier et généreux. Il joue pour le jury sans doute mais surtout pour le public nous rappelant, à travers cette valse tantôt sensuelle, tantôt étrange par ses harmonies, tantôt éclatante voire exubérante par ses effets de glissandi que la musique est un art du moment. Re-création permanente d'une œuvre envisagée par d'autres artistes. Gageons que nous entendrons encore Alexandre Beyer, aux Palais des Beaux-Arts cette fois.
Michel Lambert
Flagey, le 13 mai 2016

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