Versailles en feu avec Gardiner toujours révolutionnaire dans Berlioz
Hector Berlioz (1803-1869) Ouverture Le Corsaire, Cantate La mort de Cléopâtre ; Les Troyens : « Chasse royale et orage » + air de Didon « Adieu, fière cité » ; Symphonie fantastique. Lucile Richardot, mezzo-soprano ; Orchestre révolutionnaire et romantique, Direction musicale : John Eliot Gardiner. Enregistré à l’opéra du Chateau de Versailles en octobre 2018. 1 DVD Chateau de Versailles Spectacles CVS 011 - 1h47’
100 ans cela se fête ! Pour célébrer Berlioz, le vétéran John Eliot Gardiner a vu les choses en grand ! Toute bonne fête se doit d’avoir une scène à la hauteur. Berlioz méritait bien l’opéra royal de Versailles et un décor inspiré du peintre et contemporain de Berlioz, Pierre-Luc-Charles Ciceri. Niveau réalisation et qualité d’enregistrement on joue également la carte du luxe, sans parler du riche livret et du très beau coffret DVD. Bref nous en prenons plein les yeux et nous en avons largement pour notre argent ce qui n’est pas rien en 2019.
Festin pour les yeux mais surtout pour les oreilles. Nous aimons les DVD de concert car ils offrent cette polyvalence. Les enregistrements captés généralement sur le vif sont d’une rare spontanéité mais parfois au prix d’une qualité sonore pas toujours heureuse. Dieu merci ici la magie opère. Avec une installation digne de ce nom on y serait presque !
Au niveau musical le chef anglais est dans son jardin. On ne présente plus le CV berliozien de Gardiner notamment dans la Symphonie Fantastique qui est l’apothéose de ce concert. En ce 21 octobre 2018 et a plus de 75 ans, le natif du Dorset nous prouve qu’il a encore le feu sacré en lui. Qui mieux que ce dernier au XXIème siècle pour rendre toutes ses dimensions à cette musique consubstantielle de notre patrimoine musical national ? Nous apprécions cette classe légendaire, ce style pareil à nul autre, cette intelligence mise au service de la musique. Son Orchestre révolutionnaire et romantique est à son image. Un mélange de tradition préservée et d’avant-gardisme. Un parfum savoureux d’une Perfide Albion en voie de disparition à l’heure du Brexit.
L’orchestre ne fait qu’une bouchée de l’ouverture du Corsaire et déploie des trésors de lyrisme Chasse royale des Troyens. On sent la force de l’habitude mais jamais la lassitude.
Nous croulons littéralement sous l’abondante discographie de la Symphonie fantastique mais cette version s’impose surement comme un nouveau sommet moderne. On passe par toutes les émotions : force, sensibilité, sorcellerie, ténèbres, danse, jubilation… Ce qui est formidable de la part des musiciens et de leur chef c’est cette capacité à remettre sans cesse le métier sur l’ouvrage pour nous offrir une lecture renouvelée.
« Le changement c’est maintenant » disait un ancien slogan à succès. Nous disons que la révolution c’est Gardiner et…Lucile Richardot. Quel talent et quelle découverte ! La mezzo française nous bluffe littéralement dans la Mort de Cléopâtre. C’est beau et plein d’émotion tout simplement. Pas la peine d’ergoter c’est une réussite absolue. Le tandem avec son ainé fonctionne parfaitement. Le chef est plein d’attention pour la jeune femme, ils nous livrent une mort de Didon marquante.
Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10
Bertrand Balmitgère