Vous avez dit bizarre ? suite
S’il est une qualité que tout chef d’orchestre doit posséder au plus haut niveau, c’est la précision du langage. Savoir se faire comprendre, dans quelque langue que ce soit, est fondamental. Mais, parfois, cela relève du parcours du combattant. Par exemple, dans le monde entier, la petite flûte s’appelle piccolo. Mais si vous êtes en Italie et demandez au piccolo de jouer un peu plus fort (ou moins fort, peu importe), tout le monde se demandera à quel « petit » vous vous adressez, car l’instrument s’appelle ottavino au-delà des Alpes. Autre confusion : le tambourin. En France, ou plutôt en Provence, c’est un petit tambour. Mais en anglais, le mot tambourine désigne le tambour de basque (ah ! les faux amis). L’exemple le plus notable de confusion se trouve dans L’Arlésienne où le tambourin (provençal) est souvent remplacé par un tambour de basque (Karajan notamment). Un peu de respect pour nos spécificités régionales, SVP !
Continuons : le bugle, en France c’est une trompette à la sonorité plus large ; en anglais c’est un simple clairon, donc sans pistons. En espagnol, le cor s’appelle tromba. En italien, la trompette s’appelle… tromba. Aie, aie, aie, ça va déraper. Au Québec, le mot trompe désignait la guimbarde avant qu’on l’appelle guitare à bouche ! Il y a de quoi… se tromper.
Ajoutez une mauvaise prononciation, et vous déchaînerez un fou rire généralisé parmi les musiciens : la percussion en italien s’intitule batteria. Prononcez à la française en avalant la dernière syllabe et vous obtenez batteri, donc bactérie.
Au rayon des curiosités, Monsieur Jourdain et sa trompette marine, qui n’a rien d’une trompette puisque c’est un instrument à cordes de forme triangulaire à une corde dont le nom serait peut-être lié à l’usage qu’on en faisait sur les bateaux pour réveiller l’équipage. En Allemagne, on l’appellait violon des nonnes, car il remplaçait la trompette dans les couvents où les religieuses s’adonnaient à la musique d’ensemble. Il est vrai que la sœur tourière armée d’une trompette, c’était difficile à imaginer dans un monastère allemand : à la rigueur dans Les Mousquetaires au couvent.
Autre instrument à cordes au nom bizarre, la pochette, tout petit violon que les maîtres de danse tenaient sur l’épaule. Facile à ranger dans une poche. Mais il y a mieux : le cornet muet. Pas mal pour un instrument de musique ! C’est un cornet à bouquin dont le mutisme supposé serait lié à la spécificité de son embouchure, taillée dans le corps de l’instrument au lieu d’être détachable (explication SGDG tirée par les cheveux). D’ailleurs, à propos de cornet à bouquin, en 1881, le préfet de police avait pris une ordonnance interdisant d’en jouer dans les rues de Paris où circulaient des tramways, car le son de l’instrument pouvait être confondu avec le signal d’alarme des véhicules. On protégeait les piétons à l’époque.
Je termine mon inventaire à la Prévert avec la flûte eunuque (un mirliton), la planche à laver (une crécelle en jazz) et le seul instrument de musique dépourvu de voyelle, le crwth (prononcez croufth), instrument à cordes gallois en usage dans la musique populaire.
J’ai gardé pour la fin le terme utilisé par les Québécois pour désigner les instruments à vent de l’orchestre : la soufflerie. On ne saurait être plus précis.
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