Benvenuto Cellini ouvre la saison des 250 ans de l’Opéra Royal de Versailles

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Benvenuto Cellini de Hector Berlioz, présenté en version de concert, était l’une des productions les plus remarquées du Festival Berlioz qui fêtait le 150e anniversaire de sa mort. La production est passée par Allemagne et le Royaume-Uni avant d’arriver à l’Opéra Royal de Versailles le 8 septembre dernier. Berlioz à Versailles ? Pour un théâtre plutôt spécialisé dans la musique baroque, la présence de cette œuvre est quelque peu surprenante, bien que La Damnation de Faust y ait déjà été à l’affiche. Mais il y a bien une raison à cette programmation. L’opéra a été présenté dans un magnifique décor de Pierre-Luc-Charles Ciceri (1782-1868), peintre et décorateur de théâtre, auteur de nombreux décors spectaculaires pour La Muette de Portici d'Auber, Robert le Diable et Le Prophète de Meyerbeer, Guillaume Tell de Rossini ou encore Hernani de Victor Hugo (lors de la fameuse bataille) et bien d’autres opéras et théâtres. Datant de 1837, récemment restaurée, la toile peinte du « Palais de marbre rehaussé d’or » et ses châssis ont été construits à l’occasion de la création, la même année, du musée de l’Histoire de la France par le roi Louis-Philippe au Château de Versailles. Il s’agit de l’un des seuls décors de grande dimension de cette époque conservés tels quels ; il est spécialement remonté pour quelques semaines seulement. Berlioz a très certainement dirigé un concert sur la même scène, le dimanche 29 octobre 1848, devant ces splendides éléments à perspective renforcée.

La réussite de cette production est due en grande partie  à la fabuleuse performance de l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique. La partition, si symphonique, parsemée d’idées ingénieuses, est somptueusement interprétée aux instruments d’époque, dans une sonorité corsée à forts caractères. Les vents, notamment, méritent tous les adjectifs : éblouissants, rutilants, chatoyants, flamboyants… Tous les pupitres d’harmonie se lèvent pour une « fanfare » éclatante dans l’épisode du théâtre au carnaval, et le solo d’ophicléide (souvent remplacé par un tuba) sur scène avec les chanteurs est une incarnation scénique de la conception orchestrale berliozienne, celle de faire briller chaque pupitre.

Cette version de concert est intelligemment mise en espace par Noa Naamat qui fait se mouvoir les personnages en avant-scène et parmi les musiciens de l’orchestre, et place le chœur en arrière-scène, sur un gradin. Les costumes simples mais élégants de Sarah Denise Cordery et les très belles lumières de Rick Fischer participent à la scénographie qui n’a rien à envier à une véritable mise en scène. La direction des chanteurs est efficace, y compris les choristes de l’excellent Monteverdi Choir, très impliqués. Ils représentent ensemble un personnage à part entière, en particulier dans les scènes du carnaval et du coulage de la statue. Ainsi, la clarté des mouvements des personnages supplante tant de mises en scène indigestes et lourdes…

La distribution est de taille. Michael Spyres, devenu en quelques années l’un des chantres de l’opéra français et du répertoire berliozien, endosse le difficile rôle de Cellini avec grande assurance dans l’acte I où sa magnifique envolée vocale convainc une fois de plus ; mais au début de l’acte II, il montre un signe de fatigue dans les aigus, ce qu’il rattrape par la suite. Les autres voix masculines sont tout aussi fascinantes : Lionel Lhote incarne Fieramosca dans toute sa splendeur, l’élan vocal exprime la fierté du personnage et ses jeux d’acteur son côté ridicule ; Maurizio Muraro et Tareq Nazmi font ressortir le meilleur de Balducci et du Pape Clément VII à travers la sûreté de la projection et leurs timbres personnels affirmés. Sophia Burgos est émouvante en Teresa, sa sensibilité couvre largement le léger manque d’ampleur. La mezzo française Adèle Charvet, voix unique, chaude et colorée, offre une performance remarquable dans le rôle travesti d’Ascanio ; sa liberté vocale et son engagement dans le personnage présagent une belle carrière. Sir John Eliot Gardiner, grand spécialiste du compositeur, fait preuve, cette fois encore, de son implication entière et passionnée dans l’œuvre ; il fait ainsi ressortir tous les caractères, grandiloquent et sautillant, confidentiel et tendre, dans une direction extrêmement dynamique et rafraîchissante.

Nous espérons que cette production connaîtra encore de nombreuses représentations, tant la qualité est merveilleuse sur tous les plans.

Photos © Pascal Le Mée

Victoria Okada

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