Rencontre : Catherine Miller

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Le Concours est une vaste entreprise qui mobilise toute une équipe bien au-delà du traditionnel mois de mai. Pour que chacun puisse en prendre la mesure, nous publions chaque jour un compte-rendu, une interview,… qui éclaire ce travail de l’ombre.
Aujourd’hui, nous donnons la parole à Catherine Miller, archiviste... mais beaucoup plus encore

miller- Madame Miller, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je m'appelle Catherine Miller et je suis docteur en musicologie de l'UCL. Ma thèse portait sur le rapport entre la littérature et la musique et plus particulièrement autour du Groupe des Six au début du XXe siècle. Tout en enseignant l'histoire de la musique à l'université puis à l'IMEP, j'ai eu la chance d'intégrer rapidement l'équipe du Concours. Ce sont mes deux activités principales depuis maintenant environ douze ans. Deux activités très complémentaires car je travaille avec des jeunes qui ont le même âge, que ce soient mes étudiants ou les candidats du Concours.

- Quelle est votre fonction au sein-même du Concours ?
Nous sommes deux musicologues dans l'équipe avec Nicolas Dernoncourt qui est coordinateur artistique. Je l'assiste dans sa tâche et en particulier dans tout ce qui concerne les travaux du jury. Je suis responsable de toutes les publications écrites comme les différents programmes comprenant les biographies des membres du jury et des candidats. Je récolte toutes les informations autour du Concours, je les uniformise et je les fais traduire en anglais et en néerlandais puisque le programme est trilingue. Cela implique aussi les contacts avec le graphiste, soit le suivi de A à Z de la publication, en étroite collaboration avec mes collègues au sein de l'équipe, comme le choix des photos, par exemple. On édite trois programmes sur la durée du Concours. Nous venons de finaliser le programme général mais le programme de la finale ne pourra être « bouclé » que le lendemain de la proclamation des douze finalistes car il contient, en plus, la biographie des douze candidats finalistes. Et enfin, il y a le programme des concerts : le concert des lauréats et le concert de clôture. Pendant l'année, nous publions en décembre la brochure d'informations générales pour le public et des programmes de différents concerts. 

- Le Concours est tourné vers l'avenir avec la découverte de nouveaux talents, mais il s'inscrit aussi dans l'histoire ?
En effet. Au départ, j'ai été engagée pour travailler dans les archives. Nous avons 75 ans d'archives ! Certains documents sont exploités et d'autres non par manque de temps et de moyens. Il y a 50 ans d'archives sonores du Concours qui sont disponibles gratuitement sur notre site internet. Ce projet a été initié au début des années 2000, avant mon arrivée, et il n'est pas encore terminé. Il y a encore du travail de suivi et de correction des identifications des archives. Nous préparons également la numérisation de quelque dix mille photos. Une partie déjà assez conséquente est disponible sur notre site internet.

- Y a-t-il, dans votre travail, des spécificités liées à certaines sessions du concours ?
Oui. Lors de la session de chant, je suis responsable de la commande de tout le matériel d'orchestre. L'Orchestre de la Monnaie n'a pas le temps de s'en occuper. Qui plus est, il faut plusieurs semaines pour obtenir ce matériel et nous ne pouvons donc pas attendre d'avoir le nom des douze finalistes pour le commander. Nous commandons le matériel pour la totalité des candidats et ce travail commence dès le mois de février. On ne peut pas tout acheter. Il faut donc bien vérifier que ce que nous avons commandé corresponde à la demande des candidats. Pour en être certains, nous leur demandons de copier la première page de chaque air qu'ils proposent dans leur programme de finale.
Avec Nicolas Dernoncourt, je m'occupe de l'organisation des commissions artistiques. Elles sont constituées de personnalités reconnues qui décident des règlements pour les sessions suivantes. Par exemple, après cette session, une commission artistique se réunira pour faire le point et voir s'il est opportun de modifier le règlement ou le programme des différentes épreuves. Cela doit s'organiser assez vite après une session car le règlement paraît toujours un an avant la date des inscriptions. Les commissions artistiques analysent également tous les programmes transmis par les candidats. D'ailleurs, après l'inscription, il faut vérifier et compléter tous les dossiers et visionner tous les DVD pour s'assurer qu'il n'y aura pas de problème technique le jour de la présélection. C'est une stagiaire qui a visionné en premier les 318 DVD 's reçus pour cette session 2016.

- Comment se passent les présélections ?
Les DVD ont été visionnés par deux jurys différents, constitués de trois membres différents. Soit Nicolas soit moi sommes présents à ces présélections simplement pour la manipulation des DVD. Les deux sessions sont organisées pour être les plus équitables possibles. Arie Van Lysebeth est toujours présent car il est le président du jury mais il ne vote pas. On visionne donc les candidats une première semaine avec trois membres de jury puis on recommence la deuxième semaine avec trois autres membres de jury et en visionnant en ordre inverse. Ainsi, un candidat passé en fin de première semaine sera écouté au début de la deuxième semaine. Il n'y a pas de discussion entre les membres du jury mais on additionne les cotes obtenues. Peu de personnes, dont un huissier de justice, assistent au comptage des points qui ne sont pas communiqués. Il faut alors vérifier tous les dossiers des candidats sélectionnés : les programmes, les minutages -qui pourraient être forcés- et même l'âge pour éviter toute fraude éventuelle. Il faut parfois leur demander de modifier leur programme, d'ajouter ou de retirer un œuvre en les prévenant que si la prestation est trop longue, ils risquent d'être arrêtés pendant l'épreuve. Il est très important de pouvoir compter sur la commission artistique et ils sont très réactifs. Dans la vérification des programmes, il y a parfois des œuvres que je ne connais pas et je peux donc m'appuyer sur eux.

- Quels sont vos contacts avec les jeunes artistes ?
L'essentiel réside dans le travail administratif et à la vérification des dossiers. Nous avons dû aussi leur transmettre la partition de Fabian Fiorini -l’imposé des demi-finales- et en assurer le suivi. Certains candidats posent des questions sur la partition, par exemple quand ils ont le sentiment qu'il manque une altération. J'ai encore reçu deux mails en ce sens aujourd'hui. Il faut leur répondre et les rassurer. Ensuite, quand ils arrivent en Belgique, nous les accueillons à Flagey. Patricia Breeus s'occupe des familles d'accueil. Quant à moi je récolte le plus vite possible des éléments biographiques pour le programme et les cadences des concertos de Mozart que Paul Meyer attend avec impatience. Inévitablement, au fil des épreuves, des contacts privilégiés se créent avec certains candidats comme avec Jodie Devos qui était une de mes anciennes étudiantes à l’IMEP. Nous vivons pratiquement à Flagey pendant toute la durée du concours et il arrive que nous tombions sur un candidat qui a besoin de réconfort. On essaie de ne pas les ennuyer et on les laisse venir vers nous.

- Quels seraient vos plus beaux souvenirs ?
Jodie évidemment, car j'avais un lien direct avec elle. Quelle frousse quand elle s’est écroulée en première épreuve ! Cela restera un grand souvenir toute ma vie. Quand elle a repassé cette épreuve, j'étais dans le couloir avec elle. J'ai admiré son courage et sa volonté de se représenter. Ce n'était que du bonheur de pouvoir lui remettre les fleurs à la fin. Mais le Concours, ce sont aussi des souvenirs de stress : un régisseur pâle car il manque un musicien de l'orchestre quinze minutes avant le début de la soirée ou une violoncelliste qui se retrouve sans son chemisier noir. Elle ne pouvait pas jouer en vert pomme ! Elle m'a regardée et nous avons échangé nos blouses. Je garde aussi un très bon souvenir d'Hélène Guilmette.
Je suis en tout cas frappée par la pression autour de ces jeunes gens. Quand on les voit arriver, seul compte leur instrument. Certains jouent leur vie. Cela se ressent terriblement et là, nous avons un rôle à jouer pour qu'ils sentent autour d'eux l'humanité et l'accueil. De la part de l'équipe, des familles et du public. C'est la richesse de ce Concours !

Propos recueillis par Michel Lambert, le 20 avril 2016

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