Christian Chamorel, Mozart et Reichel
Le pianiste Christian Chamorel fait paraître un album consacré à deux concerti de Mozart mis en relief avec le rare Concertino du compositeur suisse Bernard Reichel, une œuvre rare mais à redécouvrir. Crescendo Magazine a souhaité en savoir plus et vous propose une rencontre avec ce musicien.
A la lecture du programme de cet album, la première chose qui frappe c’est le Concertino de Bernard Reichel à côté de deux concertos de Mozart ? Pourquoi ce choix ? Pourquoi ce choix éditorial ?
C’est Guillaume Berney, le chef titulaire de l’Orchestre Nexus, qui a attiré mon attention sur cette œuvre il y a quelques années déjà. En Suisse, Reichel ne jouit pas de la même popularité que son contemporain Frank Martin par exemple, sans doute parce que son style est moins immédiatement identifiable. Mais j’ai tout de suite été séduit par cette œuvre, et le rapprochement avec Mozart s’est imposé comme une évidence. En effet, outre l’effectif à peu près similaire, il nous est apparu évident que ce Concertino était tributaire d’une conception mozartienne du genre, à l’opposé des romantiques tels que Chopin, Liszt ou Rachmaninov.
Pouvez-vous nous parler de cette œuvre qui est très peu connue ? Quelles sont ses qualités ?
Le Concertino de Reichel a été créé en 1949 par la pianiste Christiane Montandon et l’Orchestre de la Suisse Romande. C’est une pièce subtile, fluide et équilibrée, qui refuse toute forme de pathos et qui soigne beaucoup le dialogue piano/orchestre. Tantôt un jeu de questions/réponses s'installe entre les deux, tantôt le piano n’est qu’une couleur parmi d’autres dans la composition générale. Pour le soliste, il s’agit donc de toujours savoir « où est sa place », et de ne surtout pas forcer le trait alors que l’œuvre exige au contraire souplesse et retenue…
Cet album propose également deux concerti de Mozart, les Concertos n°23 et n°24. Pourquoi avez-vous choisi ces 2 concertos ?
Les Concertos n°23 et n°24 de Mozart m’ont accompagné dès l’enfance, et faisaient indéniablement partie des œuvres que je voulais absolument graver un jour ou l’autre. Le n°24 en particulier m’a toujours fasciné, pour son côté rampant et ultra-dense. Il est à mille lieues de cette fameuse transparence mozartienne qu’on a tendance à attribuer à un grand pan de son œuvre, alors que Mozart était au contraire fasciné par l’opulence orchestrale. Rajoutez à cela le chromatisme exacerbé que semble appeler la tonalité de do mineur chez Mozart, et vous obtenez un chef-d’œuvre du genre absolument insurpassable. Le n°23 n’a d’ailleurs rien à lui envier. On s’extasie -à juste titre- sur le sublime mouvement lent, mais l’atmosphère résignée et automnale du 1er mouvement n’est pas moins remarquable.
Vous avez également écrit la cadence du Concerto n°24. Qu’est-ce qui vous a poussé à agencer votre cadence ?
Les cadences ne manquent pas pour ce concerto : Fauré, Busoni, Brahms… Mais aucune, à mon sens, ne s’impose avec l’évidence de celle de Beethoven pour le Concerto n°20 en ré mineur par exemple.
En fait, j’aime tant cette œuvre que je souhaitais lui rendre hommage, à ma façon et avec mes modestes moyens. J’ai essayé d’en respecter l’esprit sans pour autant tenter de pasticher le style mozartien (une stratégie presque toujours vouée à l’échec à mon sens).
Pour cet enregistrement vous êtes accompagné de l’Orchestre Nexus sous la direction de son chef Guillaume Berney. Comment avez-vous rencontré ces interprètes ?
Je connais Guillaume Berney depuis quelques années, et nous avions déjà collaboré par le passé. Mais ce n’est qu’à l’occasion de cet enregistrement que j’ai découvert l’Orchestre Nexus dont il est le chef titulaire. Cet ensemble est formé de jeunes musiciens professionnels issus des Hautes Écoles de Suisse Romande, et ce CD Mozart/Reichel a, je pense, beaucoup bénéficié de leur talent, de leur engagement et de leur gentillesse.
Le site de Christian Chamorel : https://christianchamorel.ch
A écouter :
Wolfgang Amadeus Mozart : Concertos pour piano n°23 & n°24 ; Bertrand Reichel : Concertino pour piano. Christian Chamorel, piano. Orchestre Nexus, direction : Guillaume Berney. CAL22100
Propos recueillis par Pierre-Jean Tribot
Crédits photographiques : DR