Une approche inhabituelle du chef-d'oeuvre de Ravel

par

Maurice RAVEL
(1875-1937)
Daphnis et Chloé, ballet intégral-La Valse
Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris, dir.: Philippe JORDAN
2014-DDD-68'35-Textes de présentation en français, anglais et allemand-Erato 08925646166848

Bienheureux Ravel qui voit son catalogue d'enregistrements de son merveilleux ballet Daphnis et Chloé s'enrichir de deux nouvelles parutions en une fois! L'apport de Yannick Nézet-Séguin est critiqué ailleurs dans ces colonnes. Le deuxième disque a pour lui de combiner un orchestre et un chef profondément plongés dans la culture ravélienne. En particulier, on peut imaginer que Philippe Jordan, le fils de l'une des baguettes qui auront le plus fait pour la musique française dans les années 80, aura, toute sa vie durant, baigné dans ces atmosphères si particulières. Pourtant, ce fils se démarque assez profondément du père par des couleurs un peu délavées, glauques par moments, sans la moindre séduction sonore, et par son approche « décadente » de l'oeuvre, où le désenchantement, le pessimisme l'emportent nettement. De ce point de vue, on navigue bien davantage dans l'univers du Debussy de Pelléas et Mélisande que dans celui, brillant, de la Rapsodie espagnole ou de l'Alborada del gracioso. Ici, l'inquiétude, l'angoisse pointent partout et le climat, trop uniformément sombre, finit par laisser une impression oppressante et déprimante. Curieux quand on sait ce qu'un Pierre Monteux y exprimait, avec son panache et sa verve gauloise. Une approche tout à fait atypique, donc, moderniste, reflet de notre époque contemporaine avec son lot à nouveau si inquiétant de menaces que l'on croyait conjurées pour longtemps encore. En tout état de cause, une autre vision, à découvrir, mais certainement pas la première à acquérir. Même climat quelque peu délétère dans une Valse plongée dans une atmosphère de catacombes; une bacchanale de fantômes. A noter aussi que la prise de son, un peu distante, ne brille pas non plus par sa perfection et sature assez audiblement dans les forte.
Bernard Postiau

Son 6 - Livret 10 - Répertoire 10 - Interprétation: 7

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