Un Elixir d’amour plébiscité à l’Opéra de Nancy-Lorraine
A la fin de la représentation, c’est avec enthousiasme que le public de l’Opéra de Nancy a plébiscité la représentation de L’Elixir d’amour à laquelle il venait d’assister. Mais ceux qui ont été les plus enthousiastes, ce sont les très nombreux jeunes présents dans la salle. Des jeunes qui ont été plus qu’attentifs pendant toute la représentation et qui ensuite ont applaudi-crié à tout rompre leur bonheur. Quelle ambiance !
Pourquoi ces réactions expansives ?
D’abord, il faut le répéter, parce que l’Opéra national de Lorraine poursuit une magnifique « politique éducative » pour et avec ce « public à venir », ce « public en devenir ».
Mais ces jeunes-là ont surtout été séduits par L’Elixir d’amour, le « melodramma giocoso » de Donizetti.
Pour un pareil opéra comique-rigolo, ce n’était pas nécessairement gagné : pas mal d’entre nous savent que ce qui nous fait rire, nous, les plus âgés, suscite régulièrement des regards entendus, des petits ricanements même, chez de plus jeunes, atterrés par notre humour. Il est vrai aussi que le livret de l’opéra de Donizetti n’y va pas par quatre chemins dans ses effets humoristiques, avec ses personnages typés (Nemorino l’amoureux benêt ; Adina la jeune femme qui se veut libre, aguichante et moqueuse… mais amoureuse finalement ; le Belcore-militaire matamore ou encore le Dulcamara vendeur suffisant d’un élixir de perlimpinpin) impliqués dans des situations assez attendues.
Ce qui les a séduits – eux comme les tout jeunes enfants amenés là par leurs parents et le public d’« habitués » - c’est d’abord la partition de Donizetti (composée en quatorze jours !), si drôle dans ses développements, ses reprises, ses insistances, si émouvante aussi dans ses envoûtements mélodiques et certains de ses airs (dont le fameux « Una furtiva Lagrima »). Donizetti multiplie les atmosphères, empile des deuxièmes degrés plus que drolatiques. Quant aux airs, ils sont virtuoses, acrobatiques, entraînants, séduisants.
L’interprétation de ces airs explique aussi l’adhésion du public : Rocio Pérez-Adina, Matteo Desole-Nemorino, Mikhail Timoshenko-Belcore, Patrick Bolleire-Dulcamara et Manon Lamaison-Giannetta forment une magnifique équipe, très convaincante dans ses solos, ses duos et ses ensembles. Les chœurs eux aussi jouent leur beau rôle. Une équipe complétée par les musiciens de l’Orchestre de l’Opéra national de Lorraine. Tous « entraînés » pour le succès par Chloé Dufresne.
Mais si cette partition et ses chants nous séduisent tant, c’est qu’ils s’inscrivent dans une concrétisation scénique inventive et bienvenue (ah ! les robes roses ! ah ! les tapis roulants !) de David Lescot. Sa mise en scène (dans une scénographie rurale typée de Alwyne de Dardel) vaut non seulement par sa mise en espace et sa direction des interprètes, mais aussi et surtout par la manière dont il fait des corps, dans leurs gestes, leurs attitudes, leurs mimiques, leurs déplacements, leurs sautillements, le prolongement comme naturel de la partition. Il est vrai également que les solistes sont aussi bons comédiens que chanteurs.
Et voilà pourquoi cette représentation a été plébiscitée et pourquoi les commentaires réjouis se sont multipliés ensuite sur une toujours aussi merveilleuse Place Stanislas, bien estivale avant l’heure.
Nancy, Opéra de Nancy, 29 avril 2025
Stéphane Gilbart