A Genève, un BBC Symphony Orchestra faramineux
Dans le cadre de sa 75e saison, le Service Culturel Migros invite le BBC Symphony Orchestra qui, sous la direction du chef finlandais Sakari Oramo, présente l’intégrale des symphonies de Sibelius en la partageant entre trois villes, Genève, Zurich et Berne, avec un programme différent pour chacune des salles.
Ainsi, à Genève, le 14 janvier, l’affiche comporte les Symphonies n.3 et 1. L’opus 52 en ut majeur a été longuement élaboré entre 1904 et 1907 et surprend par son classicisme formel en trois mouvements imprégné de lumineuse sérénité, ce qui lui a valu la désignation de ‘Pastorale du Nord’. Dès les premières mesures de l’Allegro moderato, l’auditeur reste pantois devant la magnifique sonorité produite par l’ensemble des pupitres du BBC Symphony Orchestra. Sous la baguette de Sakari Oramo, les lignes de force sont taillées à coups de serpe mais font sourdre des cordes graves un cantabile qui se déroule naturellement, tout en se laissant gagner par d’épisodiques tensions qui se résorbent en pianissimi impalpables. L’Andantino con moto est parcouru par d’étranges inflexions émanant du pizzicato appuyé des cordes sous le legato des vents, alors que le Final est emporté par une houle déferlante zébrée de fulgurants éclats que tempère l’élévation hymnique des cordes provoquant un gigantesque crescendo jusqu’à la grandiose péroraison.
En seconde partie, est proposée la Première Symphonie en mi mineur op.39 dont le compositeur lui-même assura la création à Helsinki le 26 avril 1899. Sur le sourd murmure des timbales en pianissimo, la clarinette est ici expression d’un total désarroi se déployant sur un canevas de cordes lancinantes qui s’animent peu à peu pour déverser un lyrisme ostentatoire malgré la menace des cuivres. L’Andante ma non troppo lento traduit une profonde nostalgie que chantent les cordes avec sourdines entraînant dans leur sillage clarinettes, bassons et cors qui dynamisent le propos avant de revenir à l’atmosphère rêveuse du début. Le Scherzo ose la véhémence du coloris contrastant avec un trio rasséréné que cors et flûtes imprègnent d’une touche de mystère. Pour le Final, les cordes énoncent un declamato tragique que scandent les vents, d’où prend forme un Allegro molto innervé par une indomptable énergie, cédant brusquement la place à la réminiscence de l’Andante médian qui prendra la tournure d’un choral impressionnant s’achevant par deux surprenants accords en pizzicato.
Impressionné par la qualité de la prestation, le public acclame longuement l’orchestre et son chef qui concèdent deux bis d’une rare originalité, la Valse d’un soir d’été d’Oskar Merikanto, un contemporain de Sibelius, dont est révélée la Scène avec les grues tirée de la musique de scène pour Kuolema.
Genève, Victoria Hall, 14 janvier 2024
Paul-André Demierre
Crédits photographiques : Benjamin Ealovega