A Genève, un orchestre balte décoiffant ! 

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A quelques jours des fêtes de fin d’année, le Service Culturel Migros invite le Baltic Sea Philharmonic sous la conduite de son chef fondateur, Kristjan Järvi, pour trois concerts à Zürich, Genève et Berne. Cette formation, à nulle autre pareille, a vu le jour en 2008 à l’initiative du Festival d’Usedom, en réunissant une communauté de jeunes musiciens issus de dix des pays nordiques qui bordent la Mer Baltique. 

Sur le plateau, l’on remarque d’emblée l’absence totale de pupitres, car chaque instrumentiste joue par cœur un programme d’une heure et demie, donné sans pause et sans entracte. A part une dizaine de chaises pour les violoncelles, les deux harpes et le célesta, tout ce petit monde déambule sur scène, en se faufilant jusqu’à la rampe si un solo le met en évidence, ou en esquissant quelques pas de danse si la musique y incite. Sous un jeu de lumières virevoltant continuellement comme un kaléidoscope, les chemises de chaque groupe comportent des taches de couleur à l’endroit où l’instrument interagit avec le corps. 

De manière informelle, les musiciens entrent sur le plateau en jouant, laissant à Krystjan Järvi le soin de se frayer un chemin pour donner forme à Ascending Swans, une brève page de sa composition d’après le Chant de louange extrait de la musique de scène de Jan Sibelius pour Svanevit (Le Cygne blanc). Les deux harpes dessinent un pont de transition  nous amenant à Nutcracker reimagined (Casse-Noisette ré-imaginé), symphonie dramatique que le chef estonien a élaborée en déplaçant, voire en réorchestrant, les pages qui lui paraissaient les plus significatives du célèbre ballet de Tchaikovsky. Ainsi, du 1er acte, ne subsistent que l’Ouverture miniature, les scènes concernant l’Arbre de Noël, la Marche et le départ des invités. 

Brusquement, un projecteur se braque sur le piano et sur la jeune Ukrainienne Olga Scheps qui s’attaque au premier mouvement du Concerto en la mineur d’Edvard Grieg avec une sonorité magnifique alliant la précision à jeu brillant qui révèle une extrême sensibilité de phrasé dans la cadenza. Quelques mesures de harpe nous replongent dans le Final du 1er acte de Casse-Noisette lors de la Nuit de Noël avec sa forêt de sapins laissant affleurer l’Adagio du Concerto de Grieg, drastiquement entaché de coupures. S’y enchaînent, la Valse des flocons de neige que chaque musicien murmure à bouche fermée et le début de l’acte II dépeignant vivacissimo l’arrivée de Clara et du Prince Casse-Noisette. En un crescendo saisissant est proclamé le Swansong d’Arvo Pärt, suivi du troisième mouvement du Grieg réduit à son Final. Tchaikovsky reparaît ensuite avec le Boléro, la Danse arabe, la Chinoiserie et le Trépak du Divertissement que bouscule étrangement la séquence Nimrod des Enigma Variations d’Eduard Elgar. Cependant la venue de la Fée Dragée et son pas de deux avec le Prince apporteront une conclusion brillante qui culminera avec la Valse et l’Apothéose. Et la bonne humeur radieuse qu’ont affichée les jeunes artistes durant ce programme exigeant se répand sur le visage des spectateurs qui applaudissent à tout rompre ce happening véritablement festif.

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 13 décembre 2022

Crédits photographiques : Siiri Kumari:



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