Herbert Blomstedt boucle son intégrale Brahms à Leipzig

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Johannes Brahms (1833-1897) : Symphonie no 3 en fa majeur, opus 90 ; Symphonie no 4 en mi mineur, opus 98. Herbert Blomstedt, Orchestre symphonique du Gewandhaus de Leipzig. Avril 2021. Livret en anglais et allemand. TT 80’33. Pentatone PTC 5186 852

Herbert Blomstedt vient de fêter ses 95 ans. Sa discographie s’initia voilà plus de six décennies avec la Sinfonia da camera de Sven-Erik Bäck (1956). Suivit une fournée de répertoire scandinave, consacrée à Carl Nielsen mais aussi à d’autres compositeurs plus rares, diffusée par Emi, et que Warner serait bien inspiré de rééditer dans un coffret-hommage : Ingvar Lidholm, Wilhelm Stenhammar, Jón Nordal, Kari Rydman, Arne Nordheim, Finn Høffding, symphonies 3 & 4 d’Hilding Rosenberg. Le grand répertoire germanique (Mozart, Beethoven, Schubert, Bruckner, Strauss) suivit chez les labels Eterna et Denon, avant la période chez Decca qui nous valut un nouveau cycle Nielsen, mais aussi Sibelius ou Hindemith. Pour le label rouge et bleu, Blomstedt ne tarda pas à mettre Brahms sur les pupitres du Gewandhausorchester : sitôt après la Neuvième de Bruckner en janvier 1995, il enregistra la Quatrième de Brahms le 14-15 avril 1996.

Avec la même phalange saxonne, le maestro n’a pas dit son dernier mot et se penche encore depuis quelques années sur le romantisme allemand. Des témoignages favorablement accueillis dans nos colonnes. « C’est un Schubert raisonné, mature et humain qui s’offre à nous » écrivait Bertrand Balmitgère le 26 juillet dernier au sujet des symphonies 8 et 9 parues chez Deutsche Grammophon. Le 20 juin, Jean Lacroix jugeait digne de s’incliner, « tout simplement, face à la démonstration » d’une éternelle jeunesse illustrée dans la Prague de Mozart. Dans la symphonie no 1 de Brahms qui préfigurait une intégrale parachevée avec le présent album, Pierre Carrive estimait le 20 octobre 2020 combien « Herbert Blomstedt s’inscrit dans cette tradition d’un Brahms expansif, effervescent, charnu. » 

Effectivement, l’approche se démarque des lectures dégraissées où s’aventurèrent Charles Mackerras (Telarc), Paavo Berglund (Finlandia) ou Thomas Dausgaard (Bis). À l’opposé de ces jalons qui réduisent la parure à un effectif quasi chambriste, Blomstedt ose l’envergure, la pleine voile, l’empâtement, pour mieux renouer avec une tentation d’opulence. Sans pour autant sombrer dans la lourdeur, car son propos s’équilibre entre fluidité et rugosité (exemplaire réussite dans le premier mouvement de l’opus 90), entre finesse du détail et puissance d’ensemble, fermement articulée sur des basses pulpeuses voire herculéennes quand l’exige la force de pulsation. Les tempi se montrent larges mais habités, sans stagnation, et savent fédérer les énergies, ainsi dans la conclusion des mouvements extrêmes de l’opus 98, sans compter un vertigineux Allegro giocoso. C’est surtout l’autorité instinctive qui marque l’esprit, sans besoin d’interventionnisme. On savourera la malléable sérénité infusée dans le Poco allegretto, et l’aisance du Finale qui suscite l’émotion sans la galvauder. C’est certainement là le trésor de cette interprétation, qui n’intimide ni ne force l’admiration mais y invite par un art vénérable et généreux.

Son : 9,5 – Livret : 8 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10

Christophe Steyne

 

 

 



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