À Genève, un Orchestre de Birmingham décevant

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Pour achever sa saison 2018-2019, le Service Culturel Migros invite le City of Birmingham Symphony Orchestra sous la conduite de sa cheffe artistique, la Lituanienne Mirga Gražinytė-Tyla, jeune artiste de trente-deux ans qui, en dix ans de carrière, a accumulé les distinctions et les charges, puisqu’elle a été assistante au Los Angeles Philharmonic avant de prendre la direction artistique du Landestheater de Salzbourg.

D’emblée, s’impose une constatation : pour qui a connu cette formation dans les années quatre-vingts, au moment où Simon Rattle en était le titulaire, sa sonorité s’est totalement transformée ; car le nombre de jeunes éléments qui en constituent les pupitres recherchent une dynamique extrême, quitte à mettre en péril la cohérence de l’ensemble. Cela est particulièrement dangereux lorsque le programme comporte l’une des grandes symphonies du répertoire, la Deuxième en ré majeur op.73 de Johannes Brahms. Pris à tempo lent, l’Allegro non troppo met en exergue la faiblesse des cuivres, avec des cors plantant des ‘pains’ sur un tutti des violons plutôt râpeux qu’adoucira la phalange des cordes graves. La baguette de Mirga Gražinytė-Tyla  s’efforce de susciter les contrastes de phrasé afin de développer un cantabile sous l’omniprésence de bois et cuivres, peu enclins à la nuance. Il faut parvenir au ‘ländler’ de l’Allegretto grazioso pour que se profile un équilibre entre les pupitres, précaire puisque rapidement englouti  par le finale, opposant exagérément les blocs sonores.

Triste résultat après une première partie qui avait débuté par une brève page d’Arthur Honegger, la Pastorale d’été, élaborée comme un pastel nostalgique où un cor suave dialogue avec la clarinette et la flûte en de fines touches d’une extrême précision qui se dilueront en une quiétude langoureuse. Intervenait ensuite la jeune pianiste chinoise Yuja Wang, à la carrière ô combien médiatisée, interprète du célèbre Concerto en la mineur op.54 de Robert Schumann. Lançant le premier trait avec agressivité, elle développe, dans l’Allegro affettuoso, un jeu très étudié, peu habité mais souple, alors que sont égrenés les chapelets de notes que durcit tout ‘forte’. L’Intermezzo est magnifié par le cantabile des violoncelles, tandis que le solo, toujours ampoulé, finira par se libérer dans un finale extrêmement rapide, en se maintenant à la surface du propos.  Applaudie à tout rompre par une large part du public, la soliste enchaîne trois bis ahurissants, le Precipitato de la Septième Sonate op.83 de Prokofiev, exhibant une technique hors du commun, la paraphrase de Liszt sur l’un des célèbres lieder de Schubert, Gretchen am Spinnrade, au jeu perlé fascinant et une Tritsch-Tratsch Polka de Johann Strauss transcrite par György Cziffra, à couper le souffle. Mais  dans tout cela, où est le cœur ?  

Genève, Victoria Hall, 29-V-2019

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Frans Jansen

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