A Genève, un programme éclectique pour l’OSR 

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Sous le titre ‘Saxo et Boléro’, Jonathan Nott et l’Orchestre de la Suisse Romande proposent un programme éclectique qui, outre la célébrissime partition de Ravel, juxtaposent Maurice Duruflé, John Williams et Harrison Birtwistle.

L’on croit souvent que la production de l’organiste Maurice Duruflé se limite à son Requiem, une Messe, quelques motets et pièces d’orgue. Mais l’on ignore l’existence de pages orchestrales. Jonathan Nott a donc la judicieuse idée de nous révéler les Trois Danses pour orchestre op. 6 que Paul Paray créa aux Concerts Colonne en 1936. Utilisant une large formation comportant notamment cinq percussionnistes, cette partition éblouit par la luxuriance de la palette orchestrale. Sur un canevas voilé de mystère prend forme le Divertissement que développent les flûtes répondant aux clarinettes et cors en suscitant un tourbillon festif que les bois rendent onctueux. Le cantabile des violoncelles est amplifié par les cordes pour parvenir à un tutti paroxystique puis retomber dans l’ambiance étrange du début. La Danse lente est tout aussi envoûtante à partir d’arpèges de harpe enveloppant le dialogue des bois ponctué par le pizzicato des cordes en points de suspension. Mais le discours s’amplifie en inflexions langoureuses qui deviennent effervescentes avant de s’émietter dans l’onirisme serein du début. Tambourin fait effectivement appel à son ostinato prêtant un caractère agreste au pimpant duo du basson et de la clarinette d’où se dégage un crescendo étincelant que commente un saxophone narquois. Et c’est dans un rutilant tutti que s’achève ce triptyque qui mérite d’entrer au répertoire courant.

Interviennent ensuite l’artiste en résidence de la saison, la saxophoniste Valentine Michaud, et son jeune frère, Valentin Michaud, percussionniste de talent. Tous deux proposent d’abord Escapades, extrait de la bande-son que John Williams composa en 2002 pour le film Catch Me If You Can de Steven Spielberg ayant pour stars Leonardo Di Caprio et Tom Hanks. Valentine Michaud recourt à un saxophone alto pour dialoguer avec le marimba de Gabriel, alors qu’ils sont encadrés par l’orchestre qui en développe le caractère jazzy des années soixante. Ponctué par le claquement des doigts, Closing in évoque la chasse d’un homme qui semble insaisissable, tandis que Reflections émane d’un pianississimo du saxophone auquel répondent les envolées étranges du marimba sur un soutien en filigrane des cordes. Le discours de la soliste se confine en volutes ornementales avant de reprendre le dessus dans Joy Ride, véritable course-poursuite qui achève brillamment ce singulier triptyque. 

Après un entracte qui a permis de jucher deux estrades pour une imposante percussion, reparaissent les deux solistes portant deux masques aux découpes aussi hirsutes que la partition d’Harrison Birtwistle intitulée Panic, dithyrambe pour saxophone alto, batterie, vents, cuivres et percussion créée aux Proms en 1965. Fort sceptique après avoir vu Punch and Judy présenté par le Grand-Théâtre de Genève en avril 2011, j’avoue ne rien comprendre à cette musique que la presse de l’époque jugea ‘sauvage et chaotique’. Et je ne puis qu’admirer les deux solistes suant sang et eau pour donner crédibilité à cette œuvre que le public applaudit poliment…

Néanmoins, la soirée s’achève dans l’enthousiasme avec le Boléro de Ravel présenté selon la nouvelle édition RAVEL EDITION mais avec les percussions de la version habituelle de “concert” 1929 comportant 2 caisses claires, grosse caisse, cymbale suspendue et tam-tam. Jonathan Nott l’aborde pianissimo dans une pulsation implacable qui sait valoriser les timbres que ponctue le pizzicato des cordes graves. Lorsque le développement intensifie les dynamiques, le discours se veut anguleux avant d’atteindre l’apothéose conclusive. En résumé, une captivante soirée !

Genève, Victoria Hall, le 20 novembre 2024

Crédits photographiques : Magali Dougados

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