Steven Isserlis sublime Haydn et Bloch avec l’Orchestre de Chambre de Paris
Le 14 novembre dernier, l’Orchestre de Chambre de Paris a offert une soirée marquante au Théâtre des Champs-Élysées en accueillant un invité de prestige : le violoncelliste britannique Steven Isserlis. Sous la baguette de Gábor Takács-Nagy, Isserlis a interprété deux œuvres contrastées, le Concerto pour violoncelle n° 1 de Haydn et From Jewish Life de Bloch. En contrepoint à ces pièces pour violoncelle, le programme comprenait également la Symphonie n° 1 de Haydn et la Symphonie Pastorale de Beethoven, pour une exploration riche et variée du répertoire.
La toute première symphonie de Haydn, portant le numéro de catalogue Hob. I : 1, est une œuvre lumineuse et enjouée, que la direction vive et juvénile de Gábor Takács-Nagy a rendu si bien. Au milieu des musiciens, debout et sans podium, le chef semble littéralement fusionner avec l’orchestre. Ses gestes dynamiques, parfois dansants, insufflent une fraîcheur communicative à cette musique pleine de vitalité.
Dans le Concerto pour violoncelle n° 1 de Haydn, Steven Isserlis joue non seulement les parties solistes, mais également celles des tutti, sans partition. Il connaît donc entièrement « par cœur » ce chef-d’œuvre connu seulement depuis les années 1960. Les mouvements rapides se distinguent par une technique d’archet impressionnante : souple mais ferme, témoignant d’une liberté remarquable dans son interprétation. Par moments, son archet semble flotter dans l’air, et pourtant, malgré ces gestes éthérés, il parvient à produire une sonorité dense, riche et vibrante, oscillant entre des nuances de timbre ambrées et argentées.
Le mouvement lent, ample et introspectif, annonce subtilement From Jewish Life de Bloch, qui suit dans une version pour orchestre arrangée par Christopher Palmer. Bien que le caractère des deux œuvres soit profondément différent, la largesse de l’interprétation de Steven Isserlis sert de fil conducteur. Dans From Jewish Life, il explore des contrastes poignants, passant d’une sonorité brute et parfois rude à une expressivité profondément émotive. Les trois sections de l’œuvre -Prayer, Supplication et Jewish Song- résonnent comme un cri venu des profondeurs de l’âme. Son interprétation transcende les limites culturelles pour transporter l’auditoire dans un univers spirituel d’une portée universelle.
La deuxième partie du programme est consacrée à la Symphonie n° 6 de Beethoven. Pour cette œuvre, les cordes sont assises tandis que les bois jouent debout, un choix scénique qui crée parfois un léger déséquilibre sonore entre ces deux sections. Parmi les bois, le basson solo de Fany Maselli se distingue particulièrement dans le deuxième mouvement. Son jeu en double piano, d’une subtilité et d’une délicatesse extrêmes, semble littéralement se dissoudre dans l’air, offrant un moment de pure beauté.
La direction de Gábor Takács-Nagy reste fidèle à son style énergique et expressif. Il accompagne ses gestes dynamiques de bruits de pieds occasionnels, comme s’il insufflait une impulsion physique à l’orchestre. Les musiciens répondent à cette énergie avec une vigueur et une joie palpables, rendant leur interprétation à la fois vivante et rafraîchissante.
En guise de bis, l’orchestre propose un extrait du Scherzo, clôturant ainsi la soirée sur une note vivace et enlevée, à l’image de l’ensemble du concert.
Notons qu’à partir de cette saison, l’Orchestre de Chambre de Paris a cessé d’imprimer les programmes dans une démarche écoresponsable. Cette initiative s’aligne sur celle déjà mise en place par le Théâtre des Champs-Élysées pour certains spectacles. Désormais, chaque spectateur est invité à télécharger le programme en scannant un QR code figurant sur une feuille distribuée dans la salle.
Paris, TCE, le 14 novembre 2024.
Crédits photographiques : Orchestre de Chambre de Paris