À la découverte de Vivaldi, grand compositeur d'opéras

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Antonio Vivaldi (1678-1741) : Il Giustino, RV 717. Delphine Galou, contralto (Giustino) : Emőke Baráth, soprano (Arianna) ; Silke Gäng, contralto (Anastasio) ; Verónica Cangemi, soprano (Leocasta) ; Emiliano Gonzalez Toro, ténor (Vitaliano) ; Arian Vendittelli, soprano (Amanzio) ; Alessandro Giangrande, alto (Andronico) et ténor (Polidarte) ; Rahe Maas, soprano (Fortuna) ; Accademia Bizantina ; Ottavio Dantone, direction. DDD-2018-66'37", 68'03" et 52'58"- Livret en anglais, français, allemand et italien - 3 CDs - Vivaldi Edition Vol. 58 - Naïve OP 30571

Vivaldi disait qu'il avait composé une nonantaine d'opéras. Aujourd'hui, on n'a trouvé trace, souvent le livret, que d'une petite cinquantaine dont les parties musicales de plus de la moitié sont perdues. La firme Naïve poursuit inlassablement son édition basée sur les manuscrits personnels de Vivaldi conservés à la bibliothèque nationale de Turin. Dans son 58e volume, elle nous offre le 18e opéra du "prêtre roux". Il Giustino est le surnom de Justin Ier, le fondateur de la dynastie justinienne des empereurs romains d'Orient. C'est en 1724 que Vivaldi met en musique pour le Teatro Capranica de Rome un livret de Nicolò Beregan révisé par Pietro Pariati qui obéit aux conventions de l'opéra seria, le belcanto baroque formé d'un ensemble de numéros, principalement des airs solos courts qui mettent en valeur la personnalité des protagonistes précédés chaque fois de récitatifs qui font progresser l'action scénique. Celle-ci se passe, comme il se doit, dans l'antiquité avec ses amours, ses guerres, ses violences... On y trouve des moments de tempêtes de mer, un monstre marin, un ours sauvage, une voix qui s'élève de la tombe ancestrale. Notons incidemment que Haendel réutilisera ce même livret dans son Giustino de 1737. 

Même si l'alternance des récitatifs et des airs peut apparaître assez lourde, Dantone dynamise les récitatifs en les faisant coller au plus près de l'action. Il n'hésite pas non plus à y ajouter des trompettes pour accentuer les transitions solennelles. La partition est superbe et révèle de nombreuses pépites. A commencer par la courte symphonie d'ouverture en trois parties ou le court rappel du Printemps des Quatre Saisons qui suit l'aria, Bel riposo de' mortali, de Giustino endormi après son rude travail de laboureur, un beau moment charmé par les flûtes, les hautbois et les arpèges de théorbe. Cecilia Bartoli avait déjà sélectionné trois airs dans ses deux anthologies de 1999 et de 2018 : l'air d'Anastasio, Vedrò con mio diletto, au premier acte et, au deuxième acte, le très virtuose Sventurata navicella de Leocasta et celui de Giustino, Ho nel petto un cor si forte, accompagné du psaltérion, cette sorte de cithare dont les cordes sont frappées par deux petits maillets en bois. On n'en finirait pas d'énoncer les joyaux comme, à l'acte deux, la plainte d'Anastasio, Sento in seno ch'in pioggia di lagrime, cette pluie de larmes qui tombe sur les délicats pizzicatti des cordes ou celui d'Arianna, Augulletti garruletti, ces oiselets, pipelets doublés par le charmant piccolo. La direction nette et précise d'Ottavio Dantone est une référence dans ce répertoire. On doit déjà au chef italien le Tito Manlio et L'incoronazione di Dario dans cette exemplaire édition Vivaldi de Naïve. Avec une belle distribution marquée par le Giustino de la contralto Delphine Galou et l'Arianna d'Emöke Baráth et un livret détaillé et précis, on a la version à emporter d'Il Giustino qui nous prouve, sans aucun doute, que Vivaldi est un grand compositeur d'opéras.

Jean-Marie André

Son : 10-Livret : 10-Répertoire : 9-Interprétation : 10

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