Noir, c’est noir : Bruckner par Carlo Païta

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°9 en ré mineur, WAB 109. Philharmonic Symphony Orchestra, direction : Carlo Païta. 1992. Livret en français et en anglais. Durée 51’28’’. Palais des dégustateurs PDD043.
Dans le cadre de sa série consacrée à Carlo Païta, le Palais des Dégustateurs propose un enregistrement de concert inédit du chef d’orchestre dans la Symphonie n°9 de Bruckner. Cet enregistrement est particulièrement intéressant car le chef n’avait pas laissé de témoignage de studio dans cette symphonie, en effet, il n’a enregistré pour son label Lodia que les Symphonies n°4 et n°8.
Au premier examen du disque, on est frappé par le minutage annoncé : 51’28’’ ! Certes, comparaison n’est pas raison, mais c’est déjà un indicateur de la houle orchestrale qui traverse cette interprétation.
Carlos Païta prend la partition à bras le corps, c’est sans répits, c'est brassé et tumultueux ! Le climat est sombre, crépusculaire et le chef impose une noirceur sans pareille au mouvement initial “Feierlich, misterioso”. Le célèbre “Scherzo. Bewegt, lebhaft - Trio. Schnell” , mené en 8”25’’ est ahurissant de tension, avec un trio à l’urgence totale ne laissant pas le moindre répit émotionnel. Quant à ‘l'Adagio. Langsam. Feierlich” conclusif, il poursuit cette course à l'abîme, ne préservant pas la moindre pause de répit dans cet océan de variantes d’obscurité et d’orages des ténèbres. Carlo Païta préserve l'arc dramatique et ne ménage pas la moindre seconde de transition, galvanisant les pupitres de son orchestre, le repoussant au-delà de ses limites.
Bien sûr, la prise de son de concert présente quelques limites en termes de restitution, mais la houle orchestrale de cette interprétation unique dans la discographie en fait une version à connaître absolument. Les brucknériens tant mystiques que métaphysiciens vont sans doute détester, mais les amoureux de l’art de la direction d’orchestre vont se repasser ce disque en boucle !
Son : 7 – Livret : 9 – Répertoire : 10 – Interprétation : 10
Pierre-Jean Tribot