A Lausanne une pétillante My Fair Lady  

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Pour célébrer les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lausanne reprend la production de My Fair Lady que Jean Liermier avait conçue pour cette même scène en décembre 2015 en faisant appel à Christophe de la Harpe pour les décors, à Coralie Sanvoisin pour les costumes, à Jean-Philippe Roy pour les lumières et à Jean-Philippe Guilois pour la chorégraphie. 

D’emblée, il faut relever que le spectacle n’a pas pris la moindre ride et que l’on s’amuse toujours autant avec ce boulevard devant Covent Garden enneigé et cette colonne Morris dans laquelle s’est faufilé le professeur Henry Higgins, afin de transcrire en phonétique le redoutable jargon cockney asséné par la bouquetière Eliza Doolittle. Que sont cocasses les apartés du personnel de maison ponctuant les interminables séances de formation où, lovée dans un énorme fauteuil surmonté d’un pavillon acoustique, la pauvre fille tente de modeler des voyelles sous le regard compatissant du Colonel Pickering et les hochements réprobateurs de Mrs Pearce, la gouvernante ! Comment ne pas s’esclaffer de rire alors que, devant la tribune d’Ascot, passent, ventre à terre, les coursiers, suivis d’une Mary Poppins égarée et que la pauvre Eliza profère un gros mot en suscitant le mépris de la gentry huppée mais en éveillant un tendre émoi chez le fringant Freddy Eynsford-Hill ! Haut en couleurs, le pub des bas quartiers où Alfred Doolitlle, son père, noie dans l’alcool la crainte de convoler en justes noces avec sa ‘bourgeoise’, sous les quolibets de ses compagnons de beuverie ! En demi-teintes où se faufile une indicible tendresse, l’héroïne finira par considérer Freddy, l’amoureux transi, le Colonel Pickering, masquant son inclination sous la bonhommie, avant de rejoindre, sans mot dire, son Pygmalion en lui apportant ses pantoufles…

Sous la direction bouillonnante de Roberto Forés Veses, l’Orchestre de Chambre de Lausanne emporte à un rythme endiablé le musical de Frederick Loewe qui accumule les numéros à succès où intervient souvent le Choeur de l’Opéra de Lausanne magnifiquement préparé par Jean-Philippe Clerc. Sur scène, Catherine Trottmann brûle les planches avec une Eliza indomptable comme une pouliche qui compense par un aigu solidement placé ce qui manque à un bas medium trop sourd. Mais plus l’action avance, plus l’émission se stabilise sous la pression d’un Higgins magistral, Nicolas Cavallier, qui s’entête à jouer les célibataires endurcis sans vouloir se rendre compte qu’un je-ne-sais-quoi lui fait perdre pied. Face à lui, Christophe Lacassagne est un Colonel Pickering bon enfant qui prône bon sens et modération, ce que l’on peut dire aussi de Laurence Amy personnifiant Mrs Higgins, la mère du professeur. Tout aussi remarquables, le Freddy pimpant de Julien Dran à la séduisante clarté de timbre, le Doolittle goguenard de Rémy Ortega maniant la mauvaise foi avec un art consommé qui éblouit ses comparses Jamie (Maxence Billiemaz), Harry (Joël Terrin) et Oliver (Aslam Safla). Shin Iglesias campe une Mrs Pearce apparemment engoncée dans ses principes, Richard Lahardy, un Karpathy futé sous un semblant de maladresse, tandis que Marie Daher, Clémentine Bouteille, Aurélie Brémond et Pierre-Yves Têtu complètement adéquatement la distribution. Un excellent spectacle de fin d’année !

Lausanne, Opéra, le vendredi 23 décembre 2022

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Marc Vanappelghem

 



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