A l'Opéra du Rhin, Anna Caterina Antonacci "est" Pénélope

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« Pénélope », le « Poème lyrique » de Gabriel Fauré a été créé le 4 mars 1913 à l’Opéra de Monte Carlo, puis présenté avec grand succès au Théâtre des Champs Elysées à Paris deux mois plus tard. De grandes interprètes y ont brillées de Germaine Lubin à Régine Crespin mais les dernières décennies les représentations se sont fait rares. Soucieux de réhabiliter le répertoire français délaissé, Marc Clémeur a mis « Pénélope » à l’affiche de l’Opéra National du Rhin où l’œuvre avait été présentée pour la première fois en 1923.

C’est Anna Caterina Antonacci qui interprète Pénélope et à elle seule porte le spectacle. Sa reine d’Ithaque qui attend immuablement le retour de son mari, repousse les prétendants et hésite à reconnaitre Ulysse au premier coup d’œil, est d’une grande dignité. Femme amoureuse, vulnérable mais épouse imperturbable, elle reste une souveraine noble et fière qui finalement croit devoir céder à son grand désarroi mais voit sa constance récompensée. Comme grande tragédienne Anna Caterina Antonacci nous montre tous les états d’âme de Pénélope d’une façon sobre mais émouvante et combien convaincante, déclame le texte superbement et interprète la partie avec une voix expressive et homogène. Une très belle prestation. Marc Laho campe, lui aussi avec une belle déclamation du français, un Ulysse humain et décidé et se tire vocalement bien d’affaire malgré une indisposition. Elodie Méchain est une excellente nourrice Euryclée et Jean-Philippe Lafont un Eumée vocalement assez fruste. Des prétendants se détachent le Eurymaque brutal et plus tôt maniéré de Edwin Crossley-Mercer et l’Antinoüs suave de Martial Defontaine. L’ensemble des servantes est sans reproches ainsi que la participation des chœurs. Patrick Davin dirige l’Orchestre Symphonique de Mulhouse avec grand soin dans cette belle partition puissante aux couleurs chaudes et aspects parfois chambristes.
Le mise en scène était confiée à Olivier Py qui a présenté surtout un spectacle visuel en noir et blanc sans références à l’antiquité. Son collaborateur habituel Pierre-André Weitz a bâti un « palais tout en courbes qui défile et ne revient jamais de la même manière, composé de deux couronnes et posé sur de l’eau ». Ah ! ces flaques d’eau qui sont devenues le nouvel attribut à la mode des metteurs en scène et qui, pour la plupart du temps, n’ont pas vraiment de signification et ne font que causer du bruit au détriment de la musique. Puisque le décor en mouvement perpétuel occupait la plus grande partie de la scène, l’action des protagonistes se passait surtout à l’avant-scène tandis que des figurants évoquaient la situation familiale et les aventures d’Ulysse entre les murs du palais. Du remplissage superflu ! Avec Anna Caterina Antonacci en Pénélope le spectacle avait tout ce qu’il fallait.
Erna Metdepenninghen
Strasbourg 29 octobre 2015

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