A l’OSR, un Franck sidérant  

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Au cours de chaque saison, l’Orchestre de la Suisse Romande a la judicieuse idée de mettre en valeur ses propres solistes. C’est pourquoi, au programme du 3 février, Jonathan Nott, son directeur artistique, inscrit au programme la Symphonie Concertante en mi bémol majeur K. 297b de Mozart qui a pour solistes le hautboïste Simon Sommerhalder, le clarinettiste Michel Westphal, le bassoniste Alfonso Venturieri et le corniste Jean-Pierre Berry. Au brio élégant du tutti qui recherche les contrastes de phrasé, le quatuor des vents répond avec autant de verve en étirant le legato, tandis que le hautbois et la clarinette échangent des trilles pimpants sur le soutien du cor et du basson. L’Adagio est emporté par une veine lyrique généreuse alors que le Final est guidé par un hautbois caustique s’appuyant sur le support du cor et du basson qu’ornementent les arabesques virtuoses de la clarinette.

En début de programme, Jonathan Nott avait présenté l’orchestration tardive que Maurice Ravel lui-même avait réalisée de son Menuet Antique pour piano. De l’exposition foisonnante de coloris vivaces, il émousse les angles par l’intervention des bois qui enveloppent d’un coloris pastoral le trio médian, alors que la reprise du motif initial déploie à nouveau la richesse de la palette orchestrale.

Mais le plat de résistance est la Symphonie en ré mineur de César Franck, trop rarement jouée ici car mise de côté pour les sempiternelles Beethoven et Brahms dont on ne peut plus ! Le Lento initial est murmuré par les cordes graves dans un pianissimo que la phalange des violons maintiendra jusqu’à un premier éclat du tutti, immédiatement réabsorbé par le da capo du début. Mais la houle commence à déferler avec un habile agencement thématique amenant l’Allegro non troppo aux accents jubilatoires que le chef édulcore par le pastel de phrases allégées. L’Allegretto médian se pare d’étrangeté par les accords de la harpe et le pizzicato des cordes, tandis que le cor anglais impose une dimension archaïsante rendant le scherzando des violons et viole (altos) d’autant plus ensorceleur. Le Final est développé mezzoforte par violoncelles et bassons avant que les trompettes ne le parent d’accents triomphants. Le développement cyclique reprenant les thèmes des deux mouvements précédents joue sur les oppositions de couleurs et les contrastes dynamiques afin de parvenir à une péroraison grandiose qui produit un impact fulgurant sur le public. Un très beau concert !

Paul-André Demierre

Genève, Victoria Hall, le 3 février 2022

Crédits photographiques : Thomas Mueller

 

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