A Toulouse un Macbeth de qualité 

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De gigantesques surfaces en miroir, entourées de colonnes de verre où se reflète un univers glauque, sous de blafardes lumières conçues par François Thouret, tel est le cadre imaginé par Bernard Arnould pour le Macbeth de Verdi mis en scène par Jean-Louis Martinoty et repris à Toulouse par Frédérique Lombart. Dans cette boîte hermétiquement close, évoluent de redoutables sorcières à double face, recourant à des gestes saccadés pour prophétiser l’avenir mais dévoilant, à chaque virevolte, des têtes de mort sur des squelettes décharnés, issues de la fantaisie du costumier Daniel Ogier.

Au troisième acte, ce sont ces mêmes créatures qui feront sortir du sol l’effigie d’un roi dont les traits se métamorphoseront jusqu’au moment où se profilera le cortège des successeurs de Banquo. Elles conditionneront aussi le comportement du couple royal, lui, se murant dans les certitudes provenant des prédictions, elle, s’aveuglant dans une soif de pouvoir dont elle ne perçoit pas les engrenages. Les enfants massacrés sur son ordre, désarticulés comme des pantins, joncheront une terre dont les proscrits écossais pleureront la désolation, avant que les forces anglaises, cachées sous les branchages de la forêt de Birnam, ne la reprennent, permettant ainsi à un Macduff, qui n’est pas né du ventre d’une femme mais qui en a été extirpé, de porter le coup de grâce à un Macbeth privé de tout soutien.
Quelle judicieuse idée de la part du chef d’orchestre Michele Gamba et du régisseur que de revenir au finale de la première version de 1847, avec ce simple declamato « Mal per me che m’affidai ne’ presagi dell’inferno », ponctué par les trombones et le ‘cimbasso’ (remplacé d’habitude par un tuba), émis par un souverain blessé à mort dont les inflexions émouvantes seront vite emportées par les clameurs d’une foule acclamant Malcolm, son nouveau roi ! Il faut dire aussi que, sous cette direction attentive à tout signe d’expression et ne couvrant jamais les voix, tant l’Orchestre national du Capitole que les Chœurs et Maîtrise du théâtre (préparés par Alfonso Caiani) sont en tous points remarquables. Le Macbeth de Vitaly Bilyy, taillé à coups de serpe, a la dimension réelle du monarque, laissant apparaître sa constante veulerie et ses angoisses existentielles sous un coloris trop uniforme. Béatrice Uria-Monzon se tourne vers le soprano dramatique de Lady Macbeth qui, après un début un peu incertain, lui assure un aigu péremptoire, dépourvu de vibrato, lui permettant même le contre-ré bémol plat du somnambulisme, tout en lui faisant dessiner une créature ambitieuse qui a raison de tous les obstacles jonchant sa route ; aujourd’hui, la cinquantaine passée, elle se trouve à la croisée des chemins où il lui faut abandonner le mezzo grave d’une Hérodiade pour privilégier la tessiture élevée d’une Tosca ou d’une Eboli. La jeune basse In Sung Sim campe un Banquo phénoménal par la qualité du timbre, ce que l’on dira aussi du Macduff aux élans généreux d’Otar Jorjikia et du Malcolm assuré du jeune Boris Stepanov. Au rideau final, de délirantes ovations pour un Macbeth de qualité !
Paul-André Demierre
Toulouse, Théâtre du Capitole, Première du 18 mai 2018

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