Aram Khachaturian : piano concertant avec Iyad Sughayer

par

Aram Khachaturian (1903-1978) : Concerto pour piano en ré bémol majeur, Suite de Mascarade (arrangement pour piano solo d’Alexander Dolukhanian), Concerto-Rhapsodie pour piano et orchestre. Iyad Sughayer, piano ; BBC National Orchestra of Wales, Andrew Litton. 2021. Livret en anglais, allemand et français. 75’35’’. BIS 2586. 

Le pianiste  Iyad Sughayer poursuit ses pérégrinations à travers l'œuvre pianistique d’Aram Khachaturian. Après un premier album consacré à des pièces purement pianistiques, il se confronte aux deux partitions concertantes. 

Le Concerto pour piano fut une œuvre décisive dans la carrière du compositeur car il établit sa réputation tant en URSS que dans les pays de l’Ouest. Dédié au grand pianiste Lev Oborine, ce dernier en donna la première en 1937, en compagnie de la Philharmonie de Moscou sous la direction de Lev Steinberg. Cette première audition fut épique : le seul instrument disponible pour la première était un piano droit et l'orchestre n'a eu qu'une seule répétition ! Lors du concert, donné en plein air au Parc Sokolniki, un vent violent emporta les lunettes du chef qui dû terminer en dirigeant de mémoire, incapable de lire la partition à son pupitre. Cette première houleuse n’empêche pas l'œuvre de connaître un rapide succès international. En 1940, la partition est donnée à Londres par la grande Moura Lympany avant d'être programmée aux Etats-Unis et enregistrée par le virtuose William Kapell et le Boston Symphony Orchestra sous la direction de Serge Koussevitzky (RCA).  Ce succès est légitime tant l’écriture est virtuose et les mélodies sont plaisantes à l’image du second mouvement  “Andante con anima” d'où émerge le timbre étonnant d’une scie musicale, jouée ici par Su-a Lee. Iyad Sughayer parvient judicieusement à trouver le ton juste entre le brio de l’écriture et la richesse mélodique. 

Changement de ton avec le Concerto-rhapsodie, l’une des dernières œuvres du compositeur. Convoquant un effectif instrumental imposant, caractérisé par une débauche de percussions. Le pupitre est renforcé d'un xylophone, d'un vibraphone et d'un marimba. Cette partition en un bloc de 20 minutes est assez expérimentale. Des cadences de piano, parfois presque jazzy d’une grande liberté de ton, se fondent dans des mélodies caucasiennes. La finesse de l’écriture et l’inventivité de l’orchestration sont presque magiques et sorties d’un rêve avant qu’une coda funèbre aux effets grotesques, presque berlioziens, ne referme cette partition sur des scansions fantastiques. Iyad Sughayer est un interprète idéal, parfaitement secondé par la direction très efficace et attentive d’Andrew Litton au pupitre de l’orchestre de la BBC gauloise. 

Entre ces deux oeuvres concertantes, le pianiste nous offre une transition bigarrée et dansante : une transcription purement pianistique de la suite tirée du ballet Mascarade. Iyad Sughayer en livre une lecture élégante et contrastée évitant les pièges de la facilité et de la démonstration. 

L’oeuvre de Aram Khachaturian est une éternelle source d’émerveillement et de satisfaction musicale et on espère que ce disque donnera des idées aux programmateurs. 

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 10  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot 

 

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