Avec une éloquence raffinée, Szymon Nehring explore un parcours de vie de Frédéric Chopin

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Frédéric Chopin (1810-1849) : Rondo en do mineur op. 1 ; Nocturnes op. 27 n° 1 et 2 ; Ballade en la bémol majeur op. 47 ; Impromptu en sol bémol majeur op. 51 ; Nocturnes op. 55 n° 1 et 2 ; Berceuse op. 57 ; Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur op. 61 ; Valse en la bémol majeur op. 64 n° 3 ; Mazurkas op. 68. Szymon Nehring, piano. 2024. Notice en polonais et en anglais. 78’ 26’’. Narodowy Instytut Fryderyka Chopin NIFDCD 223.

Originaire de Cracovie, Szymon Nehring (°1995), qui a joué du piano dès l’âge de cinq ans, a étudié dans sa ville natale, puis à Bydgoszcz, avant de se perfectionner à l’Université de Yale dans le Connecticut auprès de Boris Berman. En 2017, il a remporté à Tel Aviv le premier prix du Concours International Arthur Rubinstein, après avoir été, deux ans auparavant, finaliste du Concours Chopin à Varsovie. Considéré comme l’un des virtuoses polonais les plus en vue de la jeune génération, il compte déjà son actif des enregistrements de Chopin pour Dux (dont les deux Concertos, l’un étant dirigé par Krzysztof Penderecki) et NIFC, mais aussi des gravures de Szymanowski, Glass, Kancheli ou Pärt. Il propose cette fois un panorama de pièces de Chopin, qui jalonnent l’existence de celui-ci, depuis son adolescence jusqu’à ses dernières années. L’enregistrement a été réalisé en avril 2024, dans un son de qualité, en la salle de la Philharmonie de Varsovie. Le résultat est à la mesure des promesses : une virtuosité lumineuse mais sans ostentation, une capacité de soigner les détails, un raffinement des nuances et une maturité déjà affirmée.

Le programme ne respecte pas scrupuleusement la chronologie des œuvres, mais est plutôt bâti en tableaux successifs. Le Rondo op. 1, écrit à Varsovie en 1825, ouvre le projet ; Nehring souligne tout le charme léger de cette page des quinze ans de son glorieux compatriote. L’Impromptu op. 51 de 1842, que Chopin déclarait aimer particulièrement, est ici bien dessiné dans son expressivité fragile et passionnée à la fois. Les deux Nocturnes de l’opus 27 (1835) suivent, avec le dramatisme fiévreux du premier et le chant d’amour du second. On y apprécie la variété de l’ornementation. Les quatre Mazurkas de l’opus 68, publiées à titre posthume, sont, en ce qui concerne les trois premières, de nouveaux éclairages portés sur la jeunesse de Chopin, avec leur joie ou leur saveur, alors que la dernière est une esquisse de fin de vie, intime et douloureuse. Nehring donne à ces courtes pages l’atmosphère attendue, entre fraîcheur et pudeur.

Deux autres Nocturnes op. 55 (1843), entre rythmes et lyrisme, précèdent le charme poétique de la Ballade op. 47 (1841), composée à Nohant, et la séduction de la Valse op. 64 n° 3 (1847). Vient alors la plus imposante page du programme, les quatorze minutes de la Polonaise-Fantaisie op. 61, publiée en 1846, au moment de la rupture des relations George Sand/Chopin. Douloureuse et héroïque à la fois, mais aussi désabusée et magique, elle est abordée par Szymon Nehring avec retenue, comme s’il voulait ajouter à la virtuosité présente un rideau de tristesse celé au cœur de la partition. Le parcours s’achève avec la Berceuse op. 57 (1843) et sa série de petites variations magnétiques.

Avec cet album des plus réussis, Szymon Nehring confirme ses indiscutables affinités et sa complicité avec Chopin. Le portrait qu’il offre de ce dernier au fil des années de sa trop courte existence est attachant, éloquent et profondément juste. Il mérite une belle place dans la discographie du Polonais.

Son : 9    Notice : 9    Répertoire : 10    Interprétation : 9

Jean Lacroix 

   

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