Bach Collegium Japan à la Philharmonie de Paris : Mozart revisité avec élégance 

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Bach Collegium Japan a lancé sa tournée européenne à Paris le 21 janvier dernier. Contrairement à son habitude d’interpréter des œuvres de Jean-Sébastien Bach, l’ensemble a proposé un programme exclusivement consacré à Mozart. Parmi les œuvres, le Requiem a été révisé par Masato Suzuki, chef principal de l’ensemble, qui a dirigé le concert.

Fils du fondateur du BCJ Masaaki Suzuki, Masato Suzuki est devenu le chef principal de ce célèbre ensemble, et c’est sous sa direction que la grande partie de cette tournée se déroule. Après Paris, les musiciens et chanteurs s’arrêtent jusqu’au 1er février dans six villes réparties sur quatre pays, notamment Madrid, Barcelone, Toulouse, Düsseldorf et La Haye. Ils interprètent un programme unique regroupant trois des œuvres les plus célèbres de Mozart : la 40e Symphonie, le Requiem et Ave Verum.

Le point culminant de ce programme est la version du Requiem revisitée par Masato Suzuki, en deuxième partie du concert. Dans le programme de la salle, le chef précise s’être appuyé sur la version de Franz Xaver Süssmayr (élève de Salieri et assistant de Mozart), respectant ses ajouts contenant des informations aujourd’hui perdues. En s’inspirant également des recherches du musicologue Christoph Wolff, il a cherché à distinguer ce qui peut être directement attribué à Mozart. Les modifications apportées par Suzuki ne visent que les éléments nécessitant des ajustements pour des raisons techniques ou artistiques. Il y décrit sa méthodologie pièce par pièce, offrant aux amateurs avertis des informations musicologiques succinctes mais précises.

Le rendu musical de cette partition est subtile. Le respect des travaux de Franz Xaver Süssmayr ne dénature pas la version largement connue, à tel point qu’il est difficile de relever les ajustements spécifiques sans une connaissance approfondie de la partition.

L’interprétation du chœur japonais est d’une beauté saisissante. Le timbre velouté enveloppe l’ensemble, même dans les moments les plus vifs de l’œuvre, et complète un orchestre aux couleurs variées. Cependant, cette variation orchestrale diffère de celle des orchestres européens, où chaque pupitre et chaque instrument tendent à affirmer leur caractère de manière plus marquée. Ici, l’accent est mis sur la cohésion et l’unité, si bien que, malgré des timbres distincts, rarement les éléments dépassent d’un cadre sonore globalement compact.

Ce cadre est tout autant respecté dans l’interprétation de la Symphonie en sol mineur. Les célèbres « carrures » du style classique y sont impeccablement structurées : chaque phrasé est clairement articulé, sans toutefois compromettre la fluidité de l’ensemble. Cela dit, une fluidité légèrement plus prononcée aurait rendu l’écoute plus naturelle. Le caractère dramatique est indéniablement mis en avant, mais la violence tragique semble quelque peu atténuée, au profit d’une élégance omniprésente – en particulier dans les cordes, qui brillent avec douceur dans le mouvement lent. Cependant, dans le premier mouvement, les bois se révèlent parfois excessivement sonores, créant des surprises inattendues.

Revenons au Requiem. Les quatre solistes, installés de part et d’autre de la scène, se déplacent vers l’avant pour chanter leurs parties. Alors, leur intégration au sein du chœur ou leur positionnement directement devant l’orchestre aurait semblé plus naturel, tant visuellement qu’auditivement.

En bis, Ave Verum illustre une fois de plus l’excellence du chœur, sans conteste l’un des meilleurs au monde. Le mot « bienveillance » vient spontanément à l’esprit tout au long de l’interprétation, tant leurs voix emplissent et enveloppent l’espace de la Philharmonie avec une douceur et une profondeur remarquables. 

Concert du 21 janvier 2025, Philharmonie de Paris. 

Crédit photographique © Aurélien Kalasz/Philharmonie de Paris

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