Barkouf ou un chien au pouvoir, un opéra à redécouvrir !

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Comme spectacle de fin d’année, l’Opéra National du Rhin à Strasbourg présente Barkouf ou un chien au pouvoir, un opéra-bouffe en trois actes de Jacques Offenbach sur un livret d’Eugène Scribe et Henri Boisseaux, créé à l’Opéra Comique à Paris le 24 décembre 1860 et ..assez mal reçu. L’accueil du public est plutôt enthousiaste mais ce n’est sûrement pas un triomphe. Mais certaine presse n’est pas tendre et trouve intolérable l’irruption du genre «bouffe» à l’Opéra Comique et parle même de «rythmes grimaçants et une harmonie qui n’est pas de ce monde ». Mais c’est surtout le livret qui cause des problèmes car Barkouf est une œuvre étonnamment subversive, qui évoque les méfaits du despotisme et cela sous le règne de Napoléon III ! La censure d’un opéra qui s’ouvre sur une révolte contre un régime autoritaire et donne temporairement le pouvoir à un chien (prise de pouvoir par le peuple ?) était inévitable.

Même si l’action se passe quelque part en Orient et que le peuple s’y révolte contre Le Grand-Mogol et son vizir. Quand Eva Kleinitz, la directrice générale de l’Opéra National du Rhin, a programmé Barkouf pour la période de fin d’année, elle n’a pas pu s’imaginer que les plaintes du peuple de Lahore pourraient offrir des résonnances avec l’actualité sociale du moment. Mais grâce à Barkouf et surtout son ancienne maîtresse, la jeune bouquetière Maïma, qui sait « traduire » les intentions du chien, toutes les intrigues sont déjouées, le peuple écouté et satisfait et Maïma réunie à son ancien amant qu’elle risquait de perdre puisque le grand vizir Bababeck l’avait forcé d’épouser sa fille bien laide.

Pas d’Orient pour Mariame Clément qui situe sa mise en scène, avec les décors et costumes de Julia Hansen, dans un pays anonyme aux allures de dictature avec des sujets en habits uniformes. Pas de vraie actualisation sauf un court ballet de masques de politiciens français, Président de la République inclus. Clément et Hansen proposent un pays de bureaucratie, avec d’énormes murs d’archives et des employés abrutis transportant des dossiers, qui cède doucement une place plus large à la niche grandissante du gouverneur Barkouf, entendu mais jamais vu, sauf…. surprise. Le peuple est actif et les protagonistes se démènent dans un spectacle qui, malgré quelques facilités, ne peut éviter quelques temps morts. Est-ce la faute de la partition d’Offenbach, pourtant créative et souvent captivante, ou de la direction musicale de Jacques Lacombe. Car avec l’Orchestre Symphonique de Mulhouse, il ne parvient pas à donner au spectacle et à soutenir un véritable élan rythmique et rigoureux avec ses ensembles ambitieux ; et les chœurs sont malheureusement plus d’une fois en décalage. Scéniquement, ils s’engagent à fond tout comme les protagonistes dont certains  n’ont pas la mesure vocale de leur rôle. Dommage. Pour Maïma, la jeune, jolie et charmante Pauline Texier, voix fluette et aigus pénibles, ne dispose ni de la tessiture ni du volume requis. Fleur Baron, par contre, donne vie et aplomb vocal à Balkis et, dans son rôle ingrat de femme laide (ici, avec une moustache), Anaïs Yvoz tire bien son épingle du jeu. Nicolas Cavalier campe un Grand Mogol vocalement imposant mais Rodolphe Briand parle plus qu’il ne chante le rôle du grand vizir Bababeck. Xaïloum, l’amoureux révolutionnaire de Balkis qui a plein de choses à nous dire, est souvent à peine audible dans l’interprétation du ténor Stefan Sbonnik. L’autre ténor, Patrick Kabongo, rend les émotions de sa voix souple et émouvante. Bonne prestation, vocalement moins exigeante, de Loïc Félix pour l’eunuque Kaliboul, personnage haut en couleurs ainsi que de certains membres du chœur dans des rôles épisodiques. Un Offenbach à redécouvrir ? Le temps le dira.

Erna Metdepenninghen   

 Strasbourg, Opéra National du Rhin, le 7 décembre 2018.  

Crédits photographiques :  KLARA BECK / OPÉRA DU RHIN

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